S'abîmer plus profondément dans les méandres de la dépression la plus glaciale que "... To Open The Passages In Dusk", n'était pas possible. Comment alors offrir un successeur à cette créature sonore aussi belle que suffocante ? La mort aurait pu être au bout du chemin des Finlandais dont on se demandait s'ils seraient capables de survivre à une telle offrande qu'il est permis de considérer comme ce que le Funeral Doom a enfanté de plus vertigineux, de plus beau surtout depuis les premières marches funèbres de Shape Of Despair.
De la formation originelle, ne restent plus que le chanteur et guitariste A Mäkinen (ex Horna notamment) au background donc plus black metal que doom, ainsi que le batteur V. Kujansuu. Si l'on peut regretter le départ de sa charmante claviériste, on ne peut en revanche que saluer l'arrivée du guitariste d'Imindain et plus encore celle de Matti Mäkelä auquel on vaudra toujours un culte grâce à Tyranny et ses gigantesques opus "Bleak Vistae" et "Tides Of Awakening", recrues de poids autant que de choix qui placent d'emblée "As All Seasons Die sous les plus abyssales auspices.
Ce que confirme son écoute, attentive et religieuse. Car le Funeral Doom sculpté par Profetus revêt une dimension liturgique évidente qui, plus que jamais, s'exprime à travers ces nappes de claviers brumeuses, comme échappées d'un antique harmonium. Comment ainsi ne pas percevoir cette atmosphère propice au recueillement, à la contrition, durant l'ouverture instrumentale ('Rebirth Of Sorrow') de ce troisième opus qui a quelque chose d'une interminable messe pour les morts ?
Comme toujours avec ce genre autarcique et hermétique s'il en est, les complaintes se définissent déjà par leur extrême lenteur qui les voit s'étirer, se dilater, parfois bien au-delà des dix minutes. Elles se révèlent toutefois moins longues que leurs devancières, ce qui rend ce menu (relativement) plus accessible voire même carrément mélodique car plus resserré, témoin le magnifique 'Dead Are Our Leaves Of Autumn" qu'émaillent un chant profond et des guitares minées par une inexorable tristesse.
De fait, par rapport à "... To Open The Passages In Dusk", "As All Seasons Die" possède moins cette allure de tunnel sans fin serpentant sous une infinie masse d'eau gelée. Mais ce qu'il perd en aridité souterraine, il le compense par une beauté vaporeuse décuplée. Voix d'outre-tombe, tempo ankylosé digne d'une limace ayant absorbé du valium par boîte de 12...
Bien sûr, les Finlandais n'inventent pas grand chose, creusant le glacial sillon de leurs aînés, Thergothon et Skepticism en tête, mais le style, plus exigeant qu'il n'y parait, s'avère tellement maîtrisé et cette capacité à nous plonger dans une froide nuit éternelle, toujours intacte, que cette vague impression de déjà-entendu se trouve vite balayée, emportée par cette langueur polaire qui confine à une forme de contemplation funéraire. A sa manière, d'un éclat sinistre, "As All Seasons Die" est une leçon, celle d'une Funeral Doom à la fois opaque et spectral.