Une fois n'est pas coutume, Shrine, contrairement à nombre de ses compagnons au sein de l'écurie Cyclic Law qu'il a rejoint depuis peu, n'est pas originaire de Suède mais de Bulgarie. Pour le reste, par contre, pas de surprise tant dans la forme - un seul maître à bord, un certain Hristo Gospodinov - que dans le fond fait d'un magma de sons trafiqués et de soundscapes fantomatiques.
Pour autant, Shrine, déjà auteur auparavant de deux offrandes et d'un split avec Lingua Fungi, ne pourrait pas être scandinave, son art se révèle trop aérien pour cela, presque lumineux. Une lumière certes pale mais bien présente . Nous sommes donc à des années-lumière de la froide et désincarnée noirceur de projets tels que Raison d'Etre ou Kammarheit.
Du coup, coutumiers des apocalyptiques macérations septentrionales, "Somnia" nous surprend, oeuvre d'une impalpable beauté, tout en évanescence sonore. En huit pulsations d'une pureté minérale, Shrine esquisse un univers plus atmosphérique que tellurique. Il est à l'image de ces méduses qui semblent s'arracher de l'eau pour s'envoler en direction de sphères mystérieuses, comme guidées par un appel venu de très loin.
Ces pistes reposent sur un tapis électronique auquel sont enkystés des myriades de sons cristallins ('Somnia') en forme d'élévations mystiques sur fond de bruit de pluie, sorte de leitmotiv hypnotique traversant toute l'écoute. Les quelques bruitages étranges ('Dream Captured In Stone') qui le gangrènent ne suffisent pas à gommer l'éclat contemplatif de cet album à la dimension ésotérique évidente ('The Grand Design'). Même un titre tel que 'Ruins' ne réussit pas vraiment à inquiéter car hanté par un souffle limpide.
Mais toujours en filigrane se cache une mélancolie souterraine, comme l'illustre le terminal 'On The Edge Of The Void', long dérelict teinté de mystère. "Somnia" a quelque chose d'un rêve aux lectures multiples qu'il convient d'aborder dans sa globalité diaphane plutôt que par petits bouts, seule manière d'en goûter toute la portée introspective et visionnaire. Après plusieurs années de silence et fort de l'exposition que lui confère la signature chez Cyclic Law, Shrine devrait enfin pouvoir s'extraire de la confidentialité dans laquelle il végetait jusque là.