Si des trois contrées scandinaves, la Suède demeure la terre la plus fertile en Dark Ambient, la Finlande peut désormais compter sur Otavan Veret pour forer les profondeurs les plus noires de la musique, si tant est que le genre puisse être considéré comme tel, art aussi bien sonore que visuel qui se ressent plus qu'il ne s'écoute.
Comme souvent, l'origine géographique se révèle déterminante en cela qu'elle commande une expression qui se nourrit du cadre environnant. Ici, ce sont les vastes étendues mystiques du pays des mille lacs qui servent de socle immobile et éthéré à une Dark Ambient aux accents rituels.
Fruit de la rencontre entre deux artistes, Kaarna et Kivelä, se partageant batterie, synthétiseurs, samples et production, le projet livre avec ce premier opus éponyme une sorte de voyage introspectif à travers les immenses arcanes de l'univers, que peuplent des étendues hermétiques aux formes monotones. Sa dimension conceptuelle en détermine la construction unitaire dont les trois mouvements (pour près de cinquante minutes) sont en réalité les différentes étapes d'une seule et longue échappée.
Si les nappes synthétiques d'une langueur polaire qui la tapissent rapproche par moment l'oeuvre des travaux du compatriote Jääportit, proximité évidente sur la seconde partie, le pouls chamanique qui le hante établit une personnalité qui lui est propre, à la fois abyssale et hypnotique, plongée ténébreuse dans un vertigineux trou noir. "Otavan Veret" offre une trame fantomatique qui semble se dilater à l'infini, tapis électronique qui palpite de sons percussifs lui confèrant cette aura de rituel mystique ('III').
Encore une fois, malgré l'aridité de l'ensemble, il est permis de déceler une forme de beauté contemplative et cosmique ourlant ce magma d'ambiances aussi vaporeuses que léthargiques. Tout cela est bien entendu totalement subjectif. Reste que les Finlandais possèdent cette capacité précieuse de transporter très loin l'auditeur dans un monde crépusculaire dont on ne sait pas très bien s'il est réel ou pas, en une lente dérive d'un onirisme obscur comme ils réussissent également à matérialiser l'éclat si unique et mystérieux de ces immenses paysages aux confins du cercle polaire. Nouveau membre de la famille Cyclic Law, Otavan Veret signe un galop d'essai fascinant d'un bout à l'autre.