Si l'on s'en réfère à Corneille, "aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années". Il faut croire que Rindert Lammers a fait sienne cette maxime puisque c'est à 16 ans que ce jeune pianiste hollandais compose ses premières œuvres en 2010 et réunit l'année suivante autour de lui les musiciens qui constitueront Minor Giant.
"On The Road", premier album du groupe, contient six titres dont la moitié ont une durée dépassant les dix minutes. Evidemment, les sens de tout amateur de prog qui se respecte sont immédiatement en éveil. Si longueur ne signifie pas systématiquement progressif, il est indubitable qu'il s'agit toutefois d'un indice à prendre sérieusement en compte. Et Minor Giant ne nous déçoit pas. Dès les premières secondes du titre éponyme, le clavier virevoltant qui succède aux pépiements d'oiseaux et murmures d'eau nous fait entrer de plain-pied dans l'univers familier d'un néo-prog symphonique très ressemblant à ce que fait Neal Morse en solo ou avec Transatlantic. De la vivacité, des mouvements amples et majestueux, un sens de la mélodie évident, ce premier contact a tout pour plaire.
Ces qualités se retrouvent sur tout l'album, ou presque. Il faudrait être difficile pour ne pas apprécier cette musique déliée dont la fluidité semble d'une évidente facilité. Ajoutons à cela que le groupe à l'intelligence de ménager à l'auditeur des plages de répit confinant parfois à l'atmosphérique et qu'aux passages symphoniques succèdent des moments plus intimistes. Si les claviers numériques, synthétiques et acoustiques dominent (le groupe joue avec deux claviéristes), la guitare n'est pas en reste et interprète quelques solos bien sympathiques.
Alors, album de l'année ? Malheureusement non, car "On The Road" présente quelques menus défauts. Tout d'abord, si la musique est très agréable, elle ressemble beaucoup au style de Neal Morse, un peu trop parfois, l'album adoptant même la structure de ceux de l'artiste américain avec des grandes suites tourbillonnantes en début et fin d'album, une conclusion emphatique, certains diront pompeuse, et un titre lent et romantique au centre. Et puisque j'en parle, "Lead Me Home" qui tient ce rôle, et qui est soi-dit en passant le titre le plus faible de l'album, englué dans sa mièvrerie, m'amène au second défaut, plus gênant : le chant. Irritant de médiocrité, il manque sensiblement de dynamisme, d'assurance et parfois de justesse. L'interprétation bien plate de Jordi Repkes n'est pas à l'unisson de la qualité de jeu des musiciens, lui-même étant bien plus à l'aise avec sa guitare.
Les passages instrumentaux étant bien plus nombreux que ceux chantés permettent à "On The Road" de demeurer un bon album et d'autres moins pointilleux que moi sur l'interprétation vocale n'en seront peut-être pas importunés. Le groupe devra néanmoins faire quelques efforts dans ce domaine s'il veut poursuivre sa carrière. Ce qui peut passer pour une erreur de jeunesse sur un premier album sera moins pardonnable une seconde fois.