Un an après la sortie du nième chef d'œuvre de sa discographie - Going for the One et son incroyable Awaken -, Yes revient en scène avec un album qui s'avèrera le chant du cygne de la première époque du groupe. Tormato voit en effet la dernière apparition conjointe de Jon Anderson et Rick Wakeman (dont il s'agira du 2è départ !) avant leurs retrouvailles "communes" avec le reste de la troupe sur le célèbre et décrié Union.
A l'image de sa pochette, Tormato est une œuvre bizarre, navigant entre les restes encore fumant de la période glorieuse du groupe, et celle plus incertaine de la suite des aventures de ses protagonistes, et notamment celles en solitaire des deux "fugitifs". Pourtant, l'entame de l'album avec le diptyque haut en couleur Future Times/Rejoice semble placer le convoi sur de bons rails. Jon Anderson est en (bonne) voix, Chris Squire fait ronfler la basse et Steve Howe et Rick Wakeman se renvoient habilement la balle à tour de rôle. Toutefois, la production donne à entendre des sonorités de guitares agaçantes, et des claviers annonçant avec un peu d'avance la décennie suivante.
La suite va malheureusement être d'un tout autre niveau, les différents titres peinant à trouver et maintenir une ligne directrice cohérente, ou tout du moins en rapport avec les aspirations du groupe, hésitant entre chansons aux structures simples et volonté (souvent réfrénée) de lâcher les chevaux du rock progressif comme le quintet le fit si bien dans les œuvres précédentes.
Le résultat fait que certains morceaux trouveraient plus leur place sur les productions futures du duo Jon (Anderson) & Vangelis, tandis que l'on sent Rick Wakeman dans le besoin de se défouler les doigts, chose que le format (très) court des différentes compositions ne lui permet guère, hormis sur le très réussi On the Wings of Freedom, qui offre enfin un peu d'espace aux instrumentistes pour exprimer tout leur talent. Et puis, force est de reconnaître que l'inspiration n'est pas (ou plus) au rendez-vous. C'est ainsi que Circus of Heaven propose une entame alléchante avec la voix cristalline de Jon Anderson et une mélodie en or, avant de sombrer dans le quelconque, le groupe ne trouvant pas le rebond opportun pour relancer le titre jusqu'à son terme. Ceci n'empêchera malgré tout pas le groupe de place un single dans le Top 40 (Don't Kill the Whale), et de voir cet album intégrer le top 10 durant plusieurs semaines.
Au final, Tormato est une œuvre moyenne, ne proposant que peu de moments mémorables, desservie en outre par une production voulant sonner d'époque (petit rappel, nous sommes en 1978, coincés quelque part entre le punk et le disco …). Cet album sent la fin de règne (provisoire heureusement) d'un groupe qui aura marqué de son empreinte cette décennie.