Groupe transalpin officiant depuis une quinzaine d’années, RanestRane s’est fait une spécialité de transposer l’univers de films fantastiques ou de science-fiction en musiques progressives. Après leurs deux doubles albums "Nosferatu Il Vampiro" en 2006 et "Shining" en 2011, inspirés respectivement du ‘Nosferatu, Fantôme de la Nuit’ de Werner Herzog et du film éponyme de Stanley Kubrick, c’est une œuvre plus ancienne de Kubrick qui sert de prétexte au combo italien, "A Space Odissey" s’inspirant de ‘2001 L’Odyssée de l’Espace’.
Contrairement aux précédentes productions, l’album est un simple, mais le sous-titre "Part 1 – Monolith" permettra même aux moins intuitifs de comprendre qu’il aura probablement une suite. Gagnant en ambition, RanestRane projette de décliner le chef d’œuvre spatial de Kubrick dans un triptyque découpé selon la chronologie du film. Ce premier opus couvrant les deux premiers actes du film qui prennent fin avec la découverte du monolithe dans le cratère lunaire de Tycho.
Un vaste projet qui bénéficie du support amical de deux légendes du néo prog : les deux Steve de Marillion. Que les fans refrènent cependant leurs ardeurs : si Steve Rothery nous gratifie d’une apparition sur la seconde partie de ‘Materna Luna’ et de deux très beaux solos sur ‘Il Monouto Di Tycho’, Steve Hogarth se contente de parler sur l’ouverture de ‘Semi’ (enfin, il chantonne une poignée de secondes) et sur ‘Il Monouto Di Tycho’.
Si cette caution sympathique n’apporte pas grand-chose à l’album, la brièveté anecdotique de cette apparition ne lui enlève rien non plus, les musiciens de RanestRane se suffisant largement à eux-mêmes, Daniele Pomo en tête qui cumule les rôles de chanteur, batteur et flûtiste (syndrome génésien ?), s’en tirant à merveille dans tous les domaines, avec une mention spéciale pour la finesse avec laquelle il caresse ou martyrise tour à tour fûts et cymbales, sortant son instrument du simple rôle rythmique pour donner à la musique un relief particulièrement séduisant.
Comme le titre l’annonce, "A Space Odissey" déverse une musique spatiale, en apesanteur, à la façon d’un Pink Floyd dans sa période planante. Le chant empreint de mélancolie sait laisser de beaux espaces aux guitares et claviers qui se répartissent équitablement la charge. La batterie est utilisée avec intelligence et diversité, de même que la basse qui brode ses propres mélodies. De nombreuses voix samplées tirées des dialogues du film émaillent les titres. Combinées aux bruitages divers, elles contribuent à rendre à l’album son effet cinématographique. Seul ‘Fluttuero’, bien que très agréable, semble hors sujet par son style ‘ballade italienne’ à la limite de la variété internationale.
Difficile de trouver des défauts à ce disque : la musique est belle, elle correspond au thème choisi, elle est richement interprétée mais chaque instrument y trouve sa place. Aucune surenchère, tout est fait avec mesure mais de façon convaincue. Il faut juste aimer le rock spatial avec ses claviers fusants, ses effets d’écho, ses sonorités tantôt métalliques, tantôt aquatiques. Seuls les plus hostiles à la langue italienne ou aux effets sonores exogènes à la musique pourront être rebutés par ce séduisant album.