Sea Vine est un nouveau venu sur la scène prog. Groupe polonais crée en 2012 et dont l'esthétique principale est l'utilisation d'instruments analogiques, ils offrent, selon leurs voeux, une musique capable de toucher à l'universel à travers le prisme du rock progressif sans toutefois s'enfermer dans un tel carcan. Pourtant cette belle ambition semble d'ors et déjà contrecarrée par le fait que le néo-prog avait eu la même idée 30 ans auparavant. Sea Vine serait-il anachronique ou bien un véritable fer de lance d'un rock progressif en déclin ?
Cet album éponyme nous invite à plonger dans le royaume frugal de Poséidon. A l'inverse de ''Burnt Weeny Sandwich'' de Frank Zappa, les garnitures sont placées en entrée. Une piste longue, 'Clouds' (13'58 au compteur) ouvre l'album tandis que 'The little ones' culminant à plus de 15 minutes ferme l'opus. Entre ces deux pavés, reposent 4 chansons de taille plus modeste, dont la plus longue culmine à 5'29.
Aux premiers abords, ''Sea Vine'' se présente comme un Pink Floyd minimaliste avec très peu de guitare. Le talentueux multi-instrumentiste Michał Cywiński est le maître d'oeuvre de ce projet et s'occupe de tout, des synthétiseurs à la guitare en passant par les fûts, reléguant les autres intervenants à une position d'invités, ces derniers apparaissant furtivement sur certaines pistes et notamment Konrad Daszczyński sur un solo remarquable dans l'ultime piste. C'est également le cas du deuxième membre officiel, Milena Szymańska, qui ne fait entendre sa voix que par intermittence.
On retrouve la présence fantôme du 'Echoes' de Pink Floyd sur le premier morceau 'Clouds' qui annonce dans son introduction l'imminence d'une tempête marine. L'auditeur devra pourtant s'armer de patience à l'écoute d'un synthétiseur de velours qui déroule sa mélodie apathiquement au rythme d'une batterie martiale avant de dévoiler l'apesanteur d'un piano sommeillant. L'apparition tardive d'une voix féminine fade fera regretter les ambiances intimistes brièvement entendues. Si la tessiture de la voix semble parente avec celle d'une jeune Marianne Faithfull, elle en est dépourvue d'émotion. Hélas, ce constat s'applique également aux autres chansons chantées. Pourtant paradoxalement, après chaque intervention vocale, la musique se fait plus exploratrice (c'est le cas sur les deux premières pistes), comme si la voix avait pour humble tâche d'assurer la transition entre les différentes parties.
Parfois plus atmosphérique que progressif (c'est le cas sur l'évocation des gouttes d'eau sur le bien nommé 'Rain drops'), Sea Vine tente quelques aventures dissonantes (l'introduction électro de 'Circus', les interventions au Moog sur 'Światłocienie') tout en remplissant un cahier des charges progressif notamment avec les claviers rendant hommage à Rick Wakeman sur les premières pistes ou la dualité de 'Going anywhere' apparaissant de prime abord comme une fête d'humanoïdes futurs dominée par son Moog puis glissant petit à petit vers une ambiance plus intime. Malheureusement, malgré ses bonnes volontés, le groupe tombe parfois dans une répétition béate de sa propre production. La dernière piste, malgré son introduction de cristal et ses montées en puissance de Moog et de batterie tombe parfois dans un minimalisme excessif.
Dès la première piste, les défauts de Sea Vine apparaissent. L'émotion, qui semblait être une des priorités du groupe, est inégalement conviée sur cet album, la faute à une composition rigide et à une voix féminine fade Le groupe (ou plutôt Michał Cywiński) aurait peut être dû s'appliquer à composer des morceaux instrumentaux ? Néanmoins, ce premier essai porte en lui les promesses d'un prochain album plus aventureux...