Joe Satriani clôt les années 80 avec "Flying In A Blue Dream", le disque le plus audacieux de sa carrière, et la popularité grandissante de l’italo-américain va s’affirmer tout au long de la décennie à venir. Une reconnaissance telle que dès 1990 Satch est un des rares guitaristes à avoir son modèle de guitare attitré, initiant une tradition devenue très courante de nos jours. Mais si les apparences du résultat final montrent tout autre chose, la genèse du successeur de "Flying" est une période mouvementée pour le virtuose. Mécontent des premières ébauches du futur album c’est en bousculant ses habitudes que Joe Satriani va retrouver l'inspiration : nouveaux musiciens (les frères Bissonette notamment) et nouvelle paire d’oreille, celle d’Andy Johns (Van Halen, Led Zeppelin…), dans le duo originel de producteurs qu’il formait avec John Cuniberti. Dernier chamboulement avec son départ de San Francisco pour Los Angeles comparable au choc culturel du provincial montant à Paris.
C’est probablement ce changement de studio au cœur de l’effervescence de la cité des anges qui fait de "The Extremist" le plus hollywoodien des disques de Satriani. Grandiloquence dans la production et le rendu rythmique, architectures réduites à l’essentiel et ton majoritairement solaire sont les ingrédients de la réussite de ce pur joyau instrumental. Chaque morceau nourrit l’imagination vagabonde et raconte une histoire parfaitement résumée par des titres judicieusement attribués. De l’esprit d’optimisme de ‘Friends’, qui ouvre idéalement l’album, à la guitare de ‘War’ qui crie sa douleur, le début de "The Extremist" est imparablement heavy.
La ballade ‘Crying’ temporise avant le mid-tempo aux accents acoustiques ‘Rubina’s Blue Sky Happiness’, second hommage à sa femme qui une fois de plus transcende l’inspiration du musicien. Une autre triade enflammée prend la suite avec la fameuse ‘Summer Song’, bande son de tant de documentaires sur les sports extrêmes, la torturée ‘Why’ et la métallique ‘Motorcycle Driver’. Toute cette puissance que Satch se devait d’expulser dans ce disque ne doit pas faire oublier que l’américain est un personnage complexe et extrême. Annonçant le futur proche de sa carrière Satch achève "The Extremist" sur une relecture du blues basé sur une trame de tapping déchirée par des instants de lyrisme cérémoniel.
Les deux intenses années de composition et d’enregistrement de "The Extremist" ne se perçoivent quasiment pas à l’audition tant la synthèse est ciselée et l’enchainement des morceaux est fluide. "The Extremist" est un des trois meilleurs albums de Joe Satriani, il contient quelques-unes de ses meilleures idées mélodiques et propage une énergie intacte même après tant d’années et d’écoutes.