Avec "At The Heart Of Winter", Immortal entame un second chapitre dans sa carrière. Son prédécesseur, "Blizzard Beasts" a déçu. Trois années ont donc été nécessaires pour que le groupe retrouve sa flamboyance glacée. Une nouvelle ère débute correspondant à l’explosion commerciale des Norvégiens qui aboutira plus tard à une signature sur un label autrement plus puissant que l’activiste Osmose, soit Nuclear Blast, avec en corollaire l’accusation de trahison et d’une perte d’intégrité de la part des Ayatollahs de la cause noire.
Pourtant, Immortal en élargissant son public n’a en rien perdu son talent encore moins son âme. Textuellement, "At The Heart Of Winter" fait souffler l’esprit du Grand Nord comme jamais, à l’image des écrits toujours aussi poétiques et habités du fidèle Demonaz. En revanche, il est certain que la musique a changé, a évolué, et en bien.
Déjà Abbath s’est enfin décidé à soigner la production, point faible de ses premiers méfaits (surtout "Blizzard Beasts"). Quel excellent choix que d’avoir jeté son dévolu sur Peter Tägtgren. Grâce à lui, la puissance de feu d’Immortal n’est plus bridée et peut s’exprimer pleinement.
Musicalement enfin, "At The Heart Of Winter" se veut bien plus soigné, bien plus riche que ses aînés. Moins rapides (le monstrueux Horgh blaste un peu moins qu’à l’accoutumée), plus longs, les six titres qui le composent prennent le temps de respirer, jouent davantage sur les atmosphères. De fait, ils se parent d’une dimension instrumentale inédite. Arpèges douloureux, nappes de claviers (l’intro de 'At The Heart Of Winter') viennent enrichir l’univers sonore d’un groupe plus que jamais maître de son art.
Les somptueux et envoûtants 'Solarfall' ou 'Tragedies Blows At Horizon', monuments épiques d’une ténébreuse beauté, témoignent du goût de son auteur pour le pur heavy metal. Abbath n’a pas son pareil pour décocher des riffs obsédants qui vrillent le cerveau et s’insinuent en vous tel un venin ('Years Of Silent Sorrow'). Alors, certes Immortal a sans doute perdu en chemin sa sombre violence épidermique, mais il a gagné en contrepartie une force d’impact encore plus foudroyante.
Plus mélodique, plus accessible, ce cinquième opus reste, avec le mythique "Battles In The North", l’œuvre maîtresse des Norvégiens. A signaler pour terminer, la superbe pochette réalisée par Jean-Pascal Fournier, la seule avec plus tard celle de "All Shall Fall" à ne pas mettre en scène les musiciens. Toute une époque...