Mais comment fait Joe Bonamassa ? Malgré une carrière solo toujours aussi chargée, notre guitariste et bluesman hors pair a trouvé le temps ces dernières années de multiplier les incursions dans différents projet comme Rock Candy Funk Party, le Hard Rock Black Country Communion qui a connu une fin aussi brutale que malheureuse ou encore ses albums avec la délicieuse Beth Hart. Puis, pour fêter son dixième album studio, il écume les routes en 2013 et immortalise cette tournée en publiant pas moins de 5 albums/DVDs Live dont un en acoustique à l’Opéra de Vienne et 4 autres regroupés sous le nom "Tour De Force".
Le voici pourtant qui revient avec son onzième album solo dès Septembre 2014. Ce type est un bourreau de travail mais "Different Shades Of Blue" ne s'en ressent pas une seconde. Débarrassée d’un côté démonstratif que le guitariste/chanteur a pu exposer dans BCC, plus posée également, la musique de Joe se la joue plus variée et aérée. Si le Blues est exposé ici dans ses différents atours, c’est surtout à un Blues Rock teinté de Rythm & Blues que nous avons affaire ici, et pour une fois 100% original. Car en effet chaque titre ici (et c’est assez rare dans le style pour être souligné) est une composition de Bonamassa. Certes, il y a bien l’allusion au grand Hendrix dans l’intro instrumentale 'Hey Baby' qui lance l'album telle une ouverture de concert, mais c'est bien tout.
Et côté composition Joe reste toujours aussi affuté. Les premiers titres, sous forme de clins d'œil à ses récentes participations, possèdent une classe folle. 'Oh Beautiful !', qui débute a capella, rappelle quel chanteur est devenu Joe avec le temps. Quant à la bande musicale déroulée derrière on pense à Led Zeppelin et aux influences récentes de Glenn Hughes (riff et bongos). Aux soli toujours aussi chaleureux et puissants, gavés de Blues, il nous envoute et nous laisse K.O sans la moindre possibilité de rétorquer. Et si le malin et cuivré 'Love Ain't A Love Song' envoie du groove et de la Soul comme jamais auparavant évoquant Rock Candy Funk Party, 'Living On The Moon' renvoie au Blues Rock enlevé du "First Blues Band On Venus" de BB & The Stingers.
Point de reprise donc, mais des hommages appuyés. 'Heartache Follows Wherever I Go' et Never Give All Your Heart' sont donc les premiers titres de l'album à évoquer le Joe pré "Dust Bowl". Et quel plaisir de le retrouver dans son vieux costume, même si les nouveaux sont tout aussi légitimes que seyants. 'Get Back My Tomorrow' à la guitare Knopfler, le dispensable 'Trouble Town' et le superbe et feutré final 'So, What Would I Do' entre grand piano et orgue languissant sont d'autres classiques du Monsieur que nous sommes bien aise de retrouver.
Mais Joe évolue encore et son Blues, plus affuté, aéré et débarrassé de certains atours désormais inutiles semble aujourd'hui se suffire à lui même. 'I Gave Up Everything For You...' par exemple, titre comme on pouvait en entendre dès "Blues Deluxe" (piano bar et nonchalance) possède aujourd'hui une évidence et une authenticité nouvelle, une certaine légitimité qui le rapproche plus encore des légendes du genre, comme si l'exercice, à force de pratique était devenu une façon d'être.
J'aurai aimé être partagé, trouver plus de bémol qu'un ou deux titres car après tout la réussite perpétuelle n'existe pas, mais "Different Shades Of Blue" est indéniablement une nouvelle belle réussite à mettre au crédit de ce monstre du Blues qu'est Joe Bonamassa.