Entité mystérieuse d'origine espagnole dont les membres se cachent sous des tuniques encapuchonnées, Orthodox porte bien son nom, car il respecte à la lettre les bases, non pas du pur doom mais celles du doom dans son approche la plus extrême. Cette allégeance aux codes gravés par les cultissimes Evoken, Winter ou Thergothon repose sur plusieurs points : des titres à la longueur agonisante qui semblent ne jamais vouloir se terminer (quatre pour près de 60 minutes), des rythmes pachydermiques écrasants qui donnent l'impression de se recevoir une chape de plomb sur le coin de la gueule et des ambiances mortifères et abyssales.
Bref, vous l'aurez compris, Orthodox ne passe pour ainsi dire jamais la seconde, englué qu'il est dans une nappe de mazout. "Gran Poder" débute par le suffucant 'Geryon's Throne', qui semble du reste ne jamais vouloir démarrer. Après une première moitié entièrement instrumentale, dont le martèlement des fûts résonne tel un écho funèbre, un chant bourré d'effets, fait enfin son apparition pour vomir des paroles incompréhensibles, avant d'être lui-même balayé par une descente aux enfers sans espoir de retour, aux forts relents de ferrailles. A lui tout seul, ce titre remplit, du haut de ses presque 30 minutes, quasiment la moitié du disque.
Le reste, sorte de croisement entre le doom monolithique US et la frange la plus extrême du genre, est du même tonneau. Suivant un canevas identique, 'Arradillate ante la madera y la pieda' est pourvu d'une intro interminable qui voit copuler riffs issus de la planète drone et batterie tellurique, puis s'enfonce peu à peu dans un abîme de dépression, qu'accompagne un chant lointain et quasi incantatoire.
Court instrumental conduit par un piano fantomatique qui égrène des notes lugubres, 'Oficio de tinieblas' constitue une sorte de pause avant l'apocalypse finale, incarnée par le monumental 'El lamento del cabron', dont l'accélaration centrale apparaît comme une bouffé salvatrice, de courte durée toutefois, au milieu de cette forteresse pétrifiée. Et quand retentissent au cours de longues minutes étouffantes les derrières coups de batterie entrecoupés de riffs saturés et qu'achèvent quelques notes de pianos désincarnées, "Gran Poder" prend enfin tout son sens, celui d'une mise à mort...
Premier album hermétique et tellurique de Orthodox, "Gran Poder" est un monument de Doom asphyxiant que ses successeurs ne réussiront jamais vraiment à égaler ni en réussite ni en abyssale pesanteur.