2014 : amis du mélancolique Marcus Nygren, les membres du groupe suédois State Of Salazar se retrouvent à l'intérieur d'une DeLorean modifiée pour voyager dans le temps. Poussés par Serafino Perugino, patron du label Frontiers, ils se retrouvent transportés au début des années 80 où ils rencontrent Vince DiCola et Bill Conti, compositeurs de bandes originales de film. Ceux-ci ayant appris que l'un de leurs poulains favoris, Survivor, n'existait plus, ils renvoient le quintet originaire de Malmö dans le futur avec la mission de faire perdurer le style musical dont le groupe américain était l'un des derniers détenteurs. Librement inspiré du synopsis de Retour vers le futur, cette présentation résume cependant bien les premiers sentiments ressentis à l'écoute de "All The Way", premier album de State Of Salazar faisant suite à un Ep déjà prometteur ("Lost My Way" – 2012).
Pour peu qu'ils assument leur mélancolie, les fans des premiers albums de Toto, Survivor, voire Styx, vont pouvoir se régaler. En effet, là où des Pride Of Lions ou Blanc Faces ont fait évoluer le style vers quelque chose de (légèrement) plus moderne, State Of Salazar reprend exactement les mêmes ingrédients que ses illustres aînés, tout en y ajoutant une production bien ancrée dans son époque. Mais cette fidélité ne fait pas un simple clone sans intérêt du quintet scandinave, ne serait-ce qu'en raison des qualités techniques et artistiques de ses membres. Leader et principal compositeur du groupe, le chanteur Marcus Nygren possède une voix à la fois mélodique et puissante, s'inscrivant dans la digne lignée d'un Bobby Kimball ou du regretté Jimi Jamison. Son timbre n'est d'ailleurs pas non plus sans rappeler ceux de Toby Hitchcock ou Mitch Malloy. Quant à ses collègues, ils ne sont pas en reste, Johan Thuresson (guitare) et Stefan Martenson (claviers) se partageant les soli avec talent et trouvant un subtile équilibre entre leurs instruments au sein de chaque titre.
La principale qualité de "All The Way" est de dépasser le stade du simple hommage à un style musical et à ses légendes. Il est vrai qu'il est difficile d'oublier les géniteurs d'un genre qui squattait les ondes et les stades au début des années 80, mais les références se font subtiles et finissent par s'effacer derrière le plaisir ressenti à l'écoute des perles mélodiques offertes avec talent et dynamisme. Le premier single éponyme en est une parfaite démonstration: des chœurs queeniens en harmonie en intro, un break avec changement de tempo et de mélodie qui renvoie à l'œuvre de Styx, mais un titre qui s'impose dans un délicat balancement entre accroche et mélodie.
On pense à Toto sur le break instrumental de 'Eat Your Heart Out', mais le reste du titre reste plus dans la veine de la carrière de Survivor. L'ombre du légendaire combo de Chicago est omniprésente, que cela soit sur les ballades au piano prégnant ('Love Of My Life', 'End Of Time') ou sur les plus dynamiques et accrocheurs 'Field Of Dreams' ou 'Time To Say Goodbye', mais State Of Salazar est toujours capable d'intégrer quelques éléments laissant apparaître une identité aussi discrète qu'affirmée. C'est par exemple le cas avec 'Catastrophe', véritable tube en puissance avec sa ritournelle tourbillonnante au piano, son chant puissant et ses riffs et refrains accrocheurs, ou bien sur un 'Always' qui se fait groovy.
Plus qu'un simple retour dans le passé, 'All The Way" réussit le pari de rendre hommage aux origines d'un style musical tout en évitant de sombrer dans une mélancolie mal maîtrisée. Au contraire, State Of Salazar transmet une insouciance et un enthousiasme que nous avions presque oubliés, porté par un délicat équilibre entre technique et mélodie. Avec cette nouvelle perle, la Scandinavie s'impose un peu plus comme le nouveau centre de gravité du Hard Mélodique et de l'AOR. Un mouvement revival que nous ne pouvons qu'apprécier tant qu'il est réalisé avec un tel talent.