La une de l'actualité de l'été dernier dont il a été bien malgré lui le sujet - fait divers sur lequel nous ne reviendrons pas ici - ne doit pas faire oublier que Varg Vikernes reste avant tout un musicien qui, seul dans son coin, continue d'enfanter des albums de Burzum au rythme soutenu d'un par an depuis sa libération en 2009.
Ses détracteurs argueront que le Norvégien aurait été inspiré d'arrêter définitivement la musique plutôt que de salir sa légende avec des opus sans intérêt sinon soporifiques. Il va sans dire que nous ne partageons pas cet avis, estimant au contraire que la carrière du bonhomme prend un tour de plus en plus crépusculaire qui loin de l'appauvrir la rend plus passionnante encore. Et s'il est effectivement permis de regretter que le Black Metal forgé par "Belus" puis "Fallen", plus intéressant que certains ont bien voulu l'admettre, soit désormais enterré, la voie plus Ambient que Varg a décidé d'arpenter depuis ne mérite pas l'opprobre que "Sôl Austan, Mâni Vestan" a subi il y a un an.
Quand bien même il ne réconciliera certainement pas Burzum avec ceux qui pensent que sa valeur s'est éteinte avec "Filosofem" en 1996, "The Ways Of Yore" témoigne que son auteur n'a rien perdu ni de son inspiration ni de son identité. De part sa dimension païenne et ancestrale, l'oeuvre s'inscrit en cela parfaitement dans la continuité de ses récents aînés. Musicalement, on serait bien entendu tenté de la rapprocher de "Sôl Austan, Mâni Vestan" dont, de loin, elle semble creuser le même sillon, fait de nappes électroniques répétitives.
De près, des différences existent entre les deux albums. Encore plus méditatif, ce douzième essai (en comptant "From The Depths Of Darkness") va encore plus loin dans cette manière toujours extrêmement personnelle et donc reconnaissable entre mille, d'étirer à l'infini quelques notes dont la lancinance leur confère des allures de transe hypnotique. Devenu chamane, Varg ponctue cette trame quasi immobile de bribes vocales toujours aussi heureusement parcimonieuses ('Heil Freyja").
En résulte un disque sans doute trop long dont on a l'impression qu'il ne repose que sur deux ou trois accords qui tournent en boucle pendant plus d'une heure. Pourtant, il s'en dégage une espèce de magie unique en même temps qu'une forme de beauté séculaire et tranquille ('Autumn Leaves'). Le charme opère et suinte de ce tapis synthétique hanté. En outre, le Norvégien possède toujours cette faculté de faire jaillir une inexorable tristesse avec un sens de l'épure admirable. Le désespéré "Hall Of The Fallen" et surtout l'interminable (dans le bon sens du terme) 'Emptiness', en fait une reprise de 'Tomhet' issu de "Hvis Lyset tar Oss", témoigne de l'âme solitaire et mélancolique qui a toujours habité Varg Vikernes.
Plus l'écoute progresse, plus "The Ways Of Yore" s'abîme dans une sinistre contemplation, invite à un recueillement chargé d'un profond désespoir ('To Hell And Back Again'). Plus réussi que son prédécesseur, cet album se mérite car c'est au bout de son long chemin que la lumière, d'une triste pâleur, survient.