Est-il besoin de présenter Tristan Décamps, clavier/chanteur du groupe Ange, fondé par son père (Christian) et son oncle (Francis) ? Treize ans après 'Le Jouet', voici enfin le nouvel album de Tristan sous son nom. Tristan chante, joue de tous les instruments et a su s’entourer d’invités de marque avec entre autres, Anna Lacazio (Cock Robin) qui accompagne Tristan au chant sur ‘Le Bal des Somnambules’, les brillants Pat O'May et Eric Poincot aux guitares, Thierry Sidhoum à la basse, de Christophe Peloil aux Sax et Flute, Julien Petit aux claviers et de Hervé Rouyer derrière les fûts.
Musicalement, on appréciera le travail de production et d’approfondissement sonore qui permet aux musiciens de se surpasser (Julien Petit à la flûte dans « Jesusrassik Park » où Pat O’May à la guitare dans le magnifique « Entre Folklore Et Silence »). Il en ressort une œuvre angélique et inédite, hermétique et sans concession pour les personnes peu habituées à apprécier ce genre d'exercice. Car les textes, entre poésie et revendications, sont adroitement ciselés mais ne permettent pas une compréhension immédiate des propos ou du sens. L’amateur lambda risque donc de s’égarer et de passer à côté de l’œuvre.
La voix de Tristan a mûri, plus fine et colorée, tantôt flamboyante, tantôt rugueuse, ne servant que la pertinence de son propos et il est, comme son père, amateur de calembours. Musicalement nous avons affaire à un "kaléidoscope" auditif où se mêlent sans complexe chanson, rock, électro, symphonie en passant par du folk, du jazz, de la world. Il s'avère donc plus qu'ardu de déterminer une liste intégrale des influences de cette œuvre, allant du clin d’œil à l'odyssée spatiale de Bowie de "Apollo Fraise" à la rythmique électro-troublante de "Un Songe qui Dort" (texte de Pierre-Yves Theurillat), aux contrastes avec le passage délectable du minimalisme au symphonisme débridé au sein du diptyque ultime ("Entre Folklore et Silence" et "La Monstre aux yeux d'or"). L’électronique décomplexée du "Club du IIIème Reich" (sollicitant cette fois l'intervention de Gisèle Décamps, la Grand-mère) met quant à elle en exergue un fond pesant. Et il conviendra également de ne pas passer à côté des flûtes psychédéliques déstructurées qui explosent dans le final de "Jésusrassic Park".
Le duo avec Anna Lacazio sur "Le Bal des Somnambules", avec les mots de Christian le Père, tient toutes ses promesses. Enfin deux titres m’ont particulièrement touché, l'intimiste "Fruits d'Homme", une ballade acoustique entrainante et déchirante et le son de koto, qui évoque une récente aventure japonaise ("Le Calice" sur un texte de Jean Fauque).
Avec cette œuvre originale aux facettes multiples, Tristan Décamps nous livre un bel album de défense de la langue française appuyé par une musique très variée et originale, démontrant toutes les qualités de chanteur, de musicien et de parolier de l'artiste.