Mais qu’est-il donc arrivé à S.U.P en 2002... A cette époque reculée, le groupe sort Angelus, un pavé ultra-consistant développant un concept global. On peut se demander ce qu'il s'est passé, car après un Chronophobia froid et magnifique, maîtrisé de bout en bout et une version réinventée de Anomaly, ce nouvel opus débarque sur terre pour nous entraîner dans un voyage cosmique à travers l’espace-temps, nous faire vivre un conte onirique sombre et effrayant... et peut-être au final nous perdre dans les méandres de son développement labyrinthique.
Dans sa version Mr Hide, la formation expose une musique plus glaciale que glauque, plus malsaine que violente, plus gothique que death. Cette autre facette de ce Janus métallique est la plus productive, celle qui recèle le plus de surprises, au travers de ses expérimentations musicales.
L'album est articulé autour d'une histoire qui conte le décès d'un prêtre dans son église, puis l'enlèvement de son corps par des extra-terrestres... Tout a été mis en oeuvre pour coller aux paroles , pour immerger l’auditeur dans ce concept cinématographique : les belles peintures du livret, les intermèdes parlés de Dany Cavanagh de Anathema, le second livret qui dévoile une histoire rédigée par Manuel Rabasse et finalement l'écrin de ce digipack classieux et épais, qui constitue ainsi un objet de collection comme seul S.U.P peut l'imaginer et seul Holy Records pouvait le concrétiser.
La musique est épaisse et lourde, froide et chirurgicale, glaciale et immatérielle. Les frangins élaborent des riffs infernaux et quelques phrases musicales qui sont un trait d’union avec les lignes de chant. Les deux facettes vocales sont toujours très présentes. Les vocaux clairs sont traînants et plaintifs, le growl est un peu moins ample que sur les productions labellisés Supuration. Quant au reste de l’équipe, s'il fait un travail énorme, on pourra toutefois regretter le manque de variété dans les tempi.
Les chansons sont plaisantes ou passionnantes pour certaines, comme Labi Mente et ses sons synthétiques désincarnés, ou le morceau d’ouverture Ex-Anubi et globalement longues... c’est le reproche que l’on peut faire à cette galette : avec des compositions étirées et des paroles ramassées, l'impression d'avoir affaire à une musique qui boucle à l'infini est persistante. On pourra également regretter que la narration de Dany Cavanagh, même si elle exprime un point de vue distancié sur le thème central, soit disséminée en de multiples intermèdes qui nuisent à la fluidité de la musique et à la cohérence du propos...
Toujours est il que Angelus est un album novateur et de grande qualité : S.U.P / Supuration sait choyer ses fans en proposant un support physique hors du commun, allié à une musique très éloignée du produit bassement commercial. Alors, même si le fil de l’histoire manque de fluidité et le concept difficile à digérer, l'opus plaira aux fans. Quant aux adorateurs de la première heure, aux métalleux avides de morbide, ils risquent fort de détester cette musique qui explose tous les repères connus. Cette production est certainement un objet de transition, un intermède musical qui permettra au fan de patienter jusqu'à LA résurrection du mythe...