Après le tragique "Open Your Eyes" publié 2 ans auparavant ayant vu l'intégration de Billy Sherwood en tant que membre officiel, c'est avec une certaine appréhension que la nouvelle publication de Yes, "The Ladder", était attendue. Pour mettre tous les atouts de leur côté, les membres du groupe ont confié la production et la réalisation de leur 18eme album studio au réputé Bruce Fairbairn, célèbre pour ses réalisations dans le monde du hard-rock (Aerosmith, Bon Jovi, Van Halen, ACDC notamment), lequel décèdera malheureusement avant la sortie officielle de l'album.
Idéalement placé en début d'album, 'Homeworld' va rapidement rassurer tous les fans de Yes, du moins ceux dont l'esprit est suffisamment ouvert pour ne pas se braquer face à une production très moderne, en phase avec son époque, au sein de laquelle se glissent néanmoins quelques discrètes sonorités de claviers 70's. Nous retrouvons ici l'ambiance de "Talk", avec des développements qui contenteront les plus exigeants. L'analogie avec cet album se retrouve d'ailleurs dans un deuxième titre long, 'New Language', dont la dynamique s'accorde parfaitement avec l'esprit retrouvé du groupe. Cette dynamique joyeuse est également bien présente sur les morceaux plus courts, et notamment sur le jubilatoire 'Face to Face', hymne enjoué porté par une section à cordes et une basse de toute beauté.
Mais au-delà du plaisir de retrouver un groupe au sommet de sa forme, "The Ladder" nous présente des facettes de Yes plutôt inattendues. Ce sont tout d'abord la présence d'éléments de World Music qui font de 'Can I?' une respiration inédite et totalement rafraîchissante, et qui accompagnent également la coda de l'album, pour un 'Nine Voices' succulent qui rappelle la conclusion de 'Big Generator' ("Songs from Harmonic Convergence"). C'est également une déclinaison de reggae à la sauce progressive, en hommage à Bob Marley, qui vient délicieusement titiller notre curiosité ('The Messenger') ou encore la fin évanescente de 'Finally' qui change totalement la couleur limite funky de sa première partie. Au milieu de tous ces petits bonheurs, le trop convenu 'If Only You Knew' vient à peine tempérer l'enthousiasme suscité par les dix autres titres, délivrés de main de maître par des instrumentistes une nouvelle fois excellents, des harmonies vocales impressionnantes et une excellente production, limite trop propre.
Habitué des montagnes russes depuis la fin des années 70, Yes nous démontre une nouvelle fois sa capacité à rebondir après une catastrophe artistique en nous délivrant un album qui n'accrochera pas forcément les oreilles à la première écoute mais qui révèle toute ses qualités avec le temps.