Lunatic Soul, side-project de Mariusz Duda, chanteur-bassiste du groupe polonais Riverside, revient avec un quatrième album intitulé "Walking On a Flashlight Beam". Les deux premiers, baptisés sobrement I et II, constituaient un diptyque complété par "Impressions", un album instrumental recyclant des chutes inutilisées des deux disques précédents. Une trilogie, donc, à l'identité graphique matérialisée par le même symbole épuré repris sur les trois pochettes, noire pour "I", blanche pour "II" et grise pour "Impressions".
"Walking On a Flashlight Beam" à la pochette bleue nuit constellée de petites étoiles marque la rupture de ce cycle même si Mariusz Duda explique qu'il peut être considéré comme la préquelle de celui-ci. Le concept tourne autour d'un homme capable de marcher sur un faisceau de lumière et qui se suffit de son monde imaginaire, symbole de la solitude que l'on s'impose à soi-même, le diptyque noir et blanc traitant de sujets aussi graves que la mort et la vie post mortem.
Inutile de dire qu'avec de tels thèmes, la musique ne tourne pas à la gaudriole et que les atmosphères sépulcrales sont à l'honneur. Lunatic Soul joue bel et bien dans la cour de ce qu'il est convenu d'appeler rock atmosphérique. Mais pas seulement ! Bien sûr les ambiances sont mélancoliques, le tempo est plutôt lent et la musique loin d'être démonstrative fait montre d'une décente retenue. Mais la mélancolie de Mariusz Duda, au-delà d'être contemplative, distille une noirceur vénéneuse qui ne laisse pas d'être inquiétante. Et si les tempos et volumes sont maîtrisés, il s'en dégage néanmoins une vigueur et une intensité qui font souvent défaut aux albums catégorisés atmosphériques.
Les thèmes volontiers répétitifs se construisent autour de l'ostinato d'un instrument (la basse et la guitare le plus souvent, mais aussi les percussions) mais la richesse des variations qui viennent les ornementer évite tout effet de lassitude. Le jeu de la basse (ce solo sur "Gutter" !), de la guitare acoustique, les percussions inventives qui émaillent les morceaux et la voix pure et mélancolique de Duda ont une puissance envoûtante qui entraîne l'auditeur dans des abysses de mélancolie et d'inquiétude. Si l'expérimental 'The Fear Within' en déroutera plus d'un par son absence de trame mélodique et ses dissonances, 'Shutting Out The Sun' et son long crescendo, le progressif et orientalisant 'Pygmalion's Ladder' ou le surprenant 'Gutter' ont de quoi satisfaire les mélomanes les plus exigeants.
L'album n'évite pas toujours l'écueil d'une certaine monotonie née de la linéarité du matériel mais l'interprétation sans faille de Mariusz Duda et l'intensité émotionnelle ressentie à de nombreux moments en font une œuvre loin des stéréotypes du genre.