Hedersleben pourrait être un obscur groupe allemand de Kosmische Musik des années 70. En fait, il n'est ni l'un ni l'autre, formation bien contemporaine au line-up géographiquement éclaté. A la racine de ce curieux projet on trouve Nicky Garrath (UK Subs) qui suite à la réalisation de l'album de Nick Turner (Hawkwind), "Space Gypsy", décida de réunir les musiciens qui y ont participé, trouvant à cette occasion une inspiration nouvelle ainsi que l'envie d'explorer les sphères hallucinées du Krautrock. Hedersleben est né de cette rencontre.
Quelques changements en terme de ressources humaines plus tard, un premier essai est capturé, baptisé "Upgoer". Un an après, son successeur est déjà là et va plus loin encore dans le trip cosmique et anachronique, véritable déclaration d'amour à la musique progressive noyée dans les volutes psyché de la fin des sixties. Comme souvent lorsqu'on cherche trop à se nourrir du passé, tout cela n'est pas très personnel, rappelant de manière évidente le Pink Floyd de Syd Barrett.
Mais ce qui pourrait être gênant devient au contraire presque charmant tant ce voyage dans le temps se révèle jouissif car en tout point maîtrisé par un groupe touché par la grâce divine. L'imposant 'Zu Den Neuen Welten' illustre idéalement ce paradoxe, long pavé instrumental de plus de 17 minutes aux allures de vestige exhumé par des archéologues du son.
A l'écouter, on se croirait revenu plus de quarante ans en arrière avec la même patine sonore et les même atmosphères duveteuses. Et ça marche. Et on marche surtout, vite envoûté par cette odyssée bariolée aux teintes spatiales qui sent bon la fumette. Mangeurs d'espace, les claviers y tissent des nappes enveloppantes baignant dans un brouillard d'effets psyché cependant que la batterie mouline des rouleaux aux confins d'une transe chamanique.
Après cette ouverture gargantuesque, on aurait pu craindre que les quatre pistes suivantes, au format plus standard, ne parviennent à maintenir cette turgescence. Si '(On The Ground) Safe n Sound' ne va pas très loin, 'Nomad World', que traverse un chant féminin aussi fragile que vaporeux, est en revanche une magnifique respiration, perle mélancolique esquissée par les accords répétitifs échappés d'un orgue entre les mains du fantôme de Ray Manzarek (Les Doors). 'Xo5B' séduit également par sa ligne de basse toute en rondeur et le voile un peu arabisant qui le drape.
Quand s'achèvent les ultimes mesures du terminal 'Tiny Flowers/Little Moon', déambulation bucolique que guide une voix féminine accompagnée d'un piano délicat, un goût de trop peu s'invite, preuve de la réussite de cette exploration d'un autre âge, modeste et néanmoins jubilatoire.