Après un premier album chaleureusement apprécié par la rédaction de MW, les américains survitaminés de MoeTar nous reviennent avec leur nouvelle offrande judicieusement dénommée "Entropy Of The Century". MoeTar, c'est la création de la chanteuse Moorea Dickason (Moe) et du bassiste Tarik Ragab (Tar), unis dans la vie comme sur la scène, et qui se sont entourés de musiciens talentueux pour concrétiser leur projet musical.
Tarik compose des chansons faites sur mesure pour Moorea. Car, sans faire injure aux musiciens impeccables de ce groupe, le charisme, la présence, le charme et l'abattage de la chanteuse phagocyte littéralement l'espace sonore et tout l'album tourne autour de sa voix et de son interprétation. Une voix puissante mais dont Moorea maîtrise les modulations, ne tombant jamais dans la caricature de trop nombreuses chanteuses "à voix", sachant être tour à tour dominatrice, mélodieuse, excentrique, malicieuse ou sensuelle, subjuguant l'auditeur pour le faire passer par un arc-en-ciel d'émotions.
La diversité des compositions lui permet d'exercer ses nombreux talents. Tantôt titres contemporains aux sonorités parfois inconfortables et aux métriques non conventionnelles sur lesquels le chant délicieusement acidulé semble parfois s'emballer dans une folle litanie ('Dystopian Fiction', 'Entropy Of The Century', 'We Machines', 'Raze The Maze'), tantôt rocks flirtant avec le hard rock/métal sur lesquels des instruments survoltés n'arrivent pourtant pas à voler la vedette à la chanteuse ('Confectioners Curse', 'Where The Truth Lies' où le chant martelé par Moorea donne irrésistiblement envie de se lancer dans une danse de la guerre en dépit de digressions amusantes telles guitare jazzy, effets larsens ou chœurs fantaisistes).
Mais le combo n'est pas que pure énergie, il alterne intelligemment moments intenses, décontractés et romantiques. 'Friday Night Dreams' et 'The Unknowable' semblent tout deux surgir d'une comédie musicale des années 50 sur laquelle on aurait greffé quelques jingles publicitaires de l'époque. Délicieusement rétros tout en étant audacieusement novateurs. 'Friday Night Dreams' ressemble aux numéros dansés et chantés de "Chantons sous la pluie", à la fois brillamment techniques mais tellement maîtrisés qu'ils en paraissent faciles. 'The Unknowable' mêle quant à lui les bye-bye langoureux façon Betty Boop de la chanteuse au jeu résolument moderne des musiciens pour un final en fanfare.
Enfin 'Benefits' avec ses faux airs de King Crimson mélodieux et 'Letting Go Of Life' aux changements incessants de thèmes réussissent, malgré leur brièveté, à être de vrais petits diamants de rock progressif.
On sort épuisé devant tant d'énergie dépensée mais comblé de l'écoute de cet album époustouflant et essoufflant. Quand un groupe est capable de conjuguer une telle originalité à une telle maîtrise, il ne faut surtout pas le rater. Indispensable.