Ami lecteur et accessoirement futur auditeur potentiel du troisième album produit par ce trio lyonnais (et non, ils ne sont pas portugais) visiblement obsédé par la région du corps humain située entre le bas ventre et le haut des cuisses, prends garde à toi (comment, tu ne te prénommes pas Carmen ?) au moment de te plonger dans l'écoute de cette œuvre qui ne laissera personne indifférent.
Décrire la musique proposée par PoiL se révèle être un sacré casse-tête, tant le mélange des genres en rend son analyse compliquée. Pêle-mêle, l'auditeur pourra y associer les qualificatifs de Rio, de Zeuhl, d'expérimental, d'avant-garde, voire même de techno (Mao, qui pourrait presque faire figure de single !), sans que l'un ou l'autre des styles ne soit vraiment présent sous une forme facilement identifiable.
Imaginez donc une batterie qui, en-dehors du binaire (et insupportable à la longue) Pikiwa, multiplie des rythmiques survitaminées toutes plus alambiquées les unes que les autres, avec des ruptures incessantes que seul un batteur de grande classe peut assumer. Par-dessus cette base pour le moins instable mais particulièrement bien maîtrisée, les claviers associés à de multiples programmations installent un climat aux aspects mouvants, proposant des séquences de folie furieuse traversée par des fulgurances de guitare, et de temps en temps quelques courts moments de répits par le biais de passages plus calmes, durant lesquels le groupe se permet de placer quelques surprises comme par exemple des chœurs grégorio-zeuhliens !
L'ensemble ne se digère pas facilement, et il faudra plusieurs écoutes à des oreilles aguerries et capables d'abandonner leurs repères traditionnels pour se familiariser avec cet univers quasiment dépourvu de mélodies, dont certains passages restent tout de même difficilement soutenables. Seul titre ne bénéficiant pas de la furie générale, La Balade des Gentils Minouchoux et son dialogue piano/guitare en décalage est quant à lui un véritable bonheur.
Un mot pour finir sur les quelques paroles délivrées par des voix trafiquées qui viennent "agrémenter" l'ensemble, dans un mélange de français, d'anglais ou d'allemand, pour des propos qui, lorsqu'ils s'avèrent compréhensibles, restent dans le discours obsessionnel de PoiL, et dont la puérilité affligeante n'apporte vraiment aucun intérêt à une musique qui gagnerait à conserver un côté 100% instrumental.
A l'instar de la comparaison entre une symphonie classique de Mozart et un opus de musique sérielle de Schönberg, entre une peinture de Monet et un noir de Soulages, ou entre une sculpture de Rodin et une "performance" contemporaine, la musique proposée par Poil engendrera rejet absolu ou fascination totale. Dans tous les cas, il sera nécessaire d'aller au-delà d'une simple première écoute pour se faire un avis sur la question.Il est effet impossible de rester objectif au moment de juger cet album, seuls les sentiments pouvant parler devant un tel délire. Pour ma part, et j'insiste sur la première personne utilisée dans cette dernière phrase, cette musique m'a laissé totalement froid, le côté très technique ne parvenant pas à déclencher d'émotions, sans doute en raison de l'absence quasi-générale de mélodie (hors Mao). Libre à chacun de se faire sa propre opinion, ma note médiane permettra à tout un chacun de se forger sa propre opinion sans influence.