Protokult est un groupe canadien originaire de la région de Toronto. Adepte des ambiances médiévales et de fêtes arrosées, le groupe sort son troisième album au titre évocateur 'No Beer In heaven', alors que les deux précédents sont restés assez confidentiels malgré les qualités entrevues sur 'Marzena', un EP bodybuildé de 6 titres sorti en 2011. Les joyeux canadiens officient dans un folk métal avec deux chanteurs, une voix masculine qui ne fait pas dans la finesse et une voix féminine lyrique très haut perchée, dans un registre proche de Sharon Den Adel (Within Temptation). Ils introduisent nombre d'instruments originaux, tels que la flûte, le violon ou l'accordéon, donnant un côté celtique renforcé par la voix rocailleuse de Martin Drozd. Petite curiosité, tous les membres du groupe sont originaires des pays de l'est, Pologne, Russie, Khazakstan et République Tchèque.
Le premier titre, "Get me a Beer" annonce la couleur d'entrée avec un rôt comme premier son. La suite est un pamphlet à la gloire de la "mousse", malheureusement ponctué de quelques "oi, oi, oi" après chaque refrain. On se croirait dans un bar de Dublin à cogner les pintes au milieu d'un pogo géant. C'est mélodieusement simple, assez efficace mais quelque peu grossier, les ficelles étant un peu trop visibles.
Après cette entrée en matière potache, on s'attend à évacuer bien vite la galette dont l'écoute s'annonce alors fatigante si tout est du même tonneau. Et bien, que neni ! Dès "Cast Me Out" et plus encore sur "My Father's World", le groupe nous propose un métal bien plus original où la brutalité de Drozd le dispute à la pureté de la voix de Ekaterina dans un registre lyrique, avec une justesse toute naturelle. Le folk se teinte même de progressif avec "Edge Of Time", "Flight of the Winged Hussar" ou la courte mais marquante "Sanctuaries".
Protokult se plait à mélanger les ambiances de riffs très heavy ("Sol Intention, "Desert Scourge", "Gorale") avec des phrasés celtiques à la limite du Pagan métal. L'apport de nombreux instruments typiques folk y est évidemment pour beaucoup. La ballade "Summer's Ode" propose même un détour du côté du néo-prog, un terrain où les canadiens n'étaient pas attendus, mais dont les ingrédients savamment mixés, voix multiples, solos aériens, break acoustique et tempos lancinants déclenchent des émotions surprenantes et très agréables.
"Razbival Okovi Perun" est un ovni vocal ethnique frais et dépaysant introductif au titre le plus abouti de l'album, "Water Of Life". Cette longue pièce mi-folk, mi-prog concentre tout ce que Protokult projette d'offrir à son public. Le début du titre plonge dans une ambiance celtico-médiévale où les voix de Martin et Ekaterina se répondent avant que le morceau, ne s'envole, porté par la guitare 7 cordes de Jeremy "Vodnik" Johnson avant un break de flûte et un solo aérien. La folie s'empare des musiciens sur la fin avec un déchainement de décibels et une rythmique martelante. Dommage que le morceau se termine en fade out laissant un petit gout d'inachevé un peu décevant. Les bonus tracks sont plus qu'anecdotiques avec un "Brotokult" ridiculement électro et un "We Smoke The Ganja" inutile.
Bien moins convenu qu'il n'y parait au premier abord, 'No Beer In heaven' est un album inégal mais regorgeant de bonnes idées. Ses atours progressifs ne suffiront probablement à pas à satisfaire un autre public que les amateurs de Pagan/Folk métal mais il apporte une certaine originalité au genre avec une variété de propos et un effort créatif louable qu'il semble évident d'attribuer aux origines hétéroclites des membres du groupe. Dans un genre où les groupes du talent d'un Diablo Swing Orchestra ne courent pas les rues, et sans pour autant les égaler, Protokult prouve qu'il y a encore de la place pour l'originalité.