"City Of The Sun" est le premier album des norvégiens de Seven Impale qui n'avaient jusqu'alors produit qu'un EP, "Beginning/Relieve", en 2013. Mais quel album ! Nerfs fragiles et tympans sensibles s'abstenir.
Car le combo norvégien n'y va pas avec le dos de la cuiller et pratique un mélange de progressif old school et de jazz rock survitaminé et décomplexé qui ne dédaigne pas flirter avec le métal dans ce qu'il a de plus black. Contrairement à bien des groupes qui se contentent d'un patchwork plus ou moins bien ficelé, Seven Impale réussit à parfaitement amalgamer tous ces éléments pour en faire un cocktail explosif savamment dosé.
Le résultat ? Imaginez une musique qui oscille sans cesse entre un Van der Graaf Generator dans ce qu'il a de plus sombre et chaotique et un King Crimson psychotique et à qui l'on aurait ajouté une paire de guitaristes au jeu plus qu'incisif. La musique est un maelström de sons qui emporte l'auditeur dans un tourbillon d'angoisse, souvent dominée par un saxophone dément. Le jeu inspiré de Benjamin Mekki Widerøe rappelle beaucoup celui de David Jackson. Il tire de son instrument des hurlements inhumains, éructations de rage et de souffrance. Quand il se tait, c'est souvent pour faire place à des guitares saturées et grasseyantes. Bien que les plages instrumentales occupent une large place dans l'album, le chant n'est pas totalement absent. Et l'interprétation de Stian Økland est une autre bonne surprise. Son timbre clair ne manque ni de charme, ni de puissance, ni de nuances, et distille avec la même aisance crainte, inquiétude, angoisse ou désespoir au choix.
Chaque intervention du chant et du sax sont autant de points d'orgue, mais la basse profonde et menaçante, les percussions tour à tour volcaniques et toute en légèreté, les claviers tantôt cristallins, tantôt orageux, et les guitares alternant arpèges clairs et riffs puissants et saturés tissent des atmosphères sombres et anxiogènes et contribuent tout autant au charme de cette musique. Par ailleurs, le groupe joue admirablement avec les tensions/relâchements par l'utilisation intelligente des crescendos/piano subito et les accélérations/décélérations permanentes du rythme. Sarabandes effrénées et ritournelles folles entrecroisent sans cesse passages mélancoliques et chants fantomatiques pour nous emmener dans des abysses de souffrance et de tristesse.
L'album finit abruptement après un ultime crescendo de guitares saturées qui se taisent soudainement, laissant l'auditeur à la limite de la perte d'équilibre. Seven Impale ose aller au bout de sa démarche, sans concession. Cet album ne plaira pas à tout le monde mais prendra aux tripes tous ceux qui sont sensibles à cette musique d'écorchés vifs.