Album matriciel publié en avril 1998, "Discouraged Ones" marque un tournant dans la carrière de Katatonia et ce, pour plusieurs raisons. Abonnés depuis leurs premiers balbutiements aux Studios Unisound de leur copains Dan Swanö, les Suédois décident cette fois-ci de s'enfermer dans le temple du Death scandinave, aux Sunlight Studios, l'antre de Tomas Skogsberg qui a produit tant de grands disques du genre. En résulte un son plus granuleux, plus professionnel sans doute aussi, quand bien même les enregistrements avec Swanö aux manettes vibraient d'un feeling maladroit peut-être mais surtout unique et lugubre.
Professionnel, ce troisième opus démontre que Katatonia l'est devenu, oeuvre adulte débarrassée des pseudonymes (Anders Nyström ne se fait ainsi plus appeler Blakkheim), du logo illisible, autant d'oripeaux d'une identité extrême qui tend peu à peu à s'effacer.
Symbole de cette maturité enfin acquise, Jonas a eu la bonne idée d'en finir avec le chant d'outre-tombe qui ne lui correspondait pas du tout pour privilégier une voix claire, fragile et souffreteuse, celle qui fera tant pour le succès du groupe au point de les confondre. C'est l'un des deux principaux changements initiés par "Discouraged Ones". Notons d'ailleurs au passage que les pistes de chant ont été produites par Mikael Akerfeldt d'Opeth (mais est-il besoin de le préciser ?), confirmant le soin apporté à celles-ci.
Le second changement réside dans cette écriture épurée au format plus resserré, laissant de côté les longs titres. En quelques années, les Suédois ont appris à composer de vraies chansons, dynamiques sinon accessibles. Toujours irriguées par les lignes de guitare d'Anders Nyström, obsédantes et elles aussi, au même titre que le chant de Jonas, reconnaissables entre mille, ces nouvelles compositions se révèlent imparables, hymnes mélancoliques d'une sinistre beauté dont 'Deadhouse', 'Last Resort', 'Cold Ways' ou 'I Break' sont quelques uns des plus réussis.
Au black doomy des débuts, Katatonia commence alors à dériver vers une musique plus atmosphérique bien que toujours aussi glaciale et toujours aussi personnelle, qualité dont les Suédois ne se sont jamais départis, sachant évoluer avec naturel et non au gré des modes contrairement à d'autres groupes aux racines similaires. L'année suivante, "Tonight's Decision" confirmera magistralement cette évolution.