3 ans après son premier manifeste 'Onze danses pour combattre la migraine', Aksak Maboul retrouve le chemin des studios avec 'Un peu de l'âme des bandits' (qui reprend le titre d'une oeuvre de René Magritte, concernant par ailleurs un violon). Vincent Kenis, très actif sur le précédent opus, laisse Marc Hollander seul maître à bord. Ce dernier s'entoure d'une pléiade d'invités prestigieux, dont Fred Firth et Chris Cutler, respectivement guitariste, bassiste et batteur de Henry Cow ou encore Michel Berckmans le joueur survolté de basson d' Univers Zéro.
Cet album marque la consécration des idées musicales développées bien avant la World Music. On y retrouve ce goût pour le mélange hétéroclite de musiques d'horizons divers : tango et musiques tziganes sur le très jazzy 'Palmiers en pots', musiques du Moyen Orient et violoncelles sur 'I viaggi formano la gioventu, 'Inoculating Rabies' et son énergie punk couplée au son d'un basson... Le groupe ne recule devant aucune audace stylistique et parvient à créer des oeuvres à parts entières qui ne peuvent être réduites à l'état de simples pastiches ou de collages d'amateurs. Aucun morceau n'est définissable d'avance et il est toujours difficile de deviner l'évolution progressive du morceau, le groupe se plaisant à brouiller les cartes stylistiques.
C'est peut-être en raison de la collaboration avec ces prestigieux invités que l'album se nimbe d'un brouillard proche du Rock In Opposition. Si l'on retrouve des instants fugaces propres au genre sur certaines pistes (comme sur le blues 'A modern lesson (Bo Diddley)' accouplé à un chant volontairement grotesque de la femme-orchestre Catherine Jauniaux, ou encore avec le saxophone pressant sur 'Geistige Nacht', c'est bel et bien la piste-fleuve 'Cinéma' qui va conjuguer en son sein toutes les tendances du RIO. 'Cinéma' est un voyage au long cours d'une durée de 23 minutes, sur laquelle des ambiances tétanisantes se succèdent grâce au mariage non officiel entre les guitares tranchantes et la batterie martiale d' Henry Cow et le basson lumineux d'Univers Zero, sous l'ordonnance des claviers de Marc Hollander, sans le moindre temps mort. L'album se termine par un bonus, 'Bosses de crosses' qui offre un aperçu sur la destinée d'Aksak Maboul : on y retrouve la formation Les Tueurs de la lune de miel avec lequel le groupe tournera avant de fusionner deux ans plus tard tout en continuant à jouer ses propres thèmes.
'Un peu de l'âme des bandits' est à ce jour l'album le plus achevé d'Aksak Maboul et paradoxalement le dernier. Il serait pourtant faux de considérer que le groupe a été fauché en pleine gloire (l'unique album avec Les Tueurs de la lune de miel peut-être vu comme une redéfinition de la pop) et Marc Hollander a poursuivi au sein de sa maison de disques Crammed Discs ces expérimentations en ouvrant les portes de son laboratoire à des artistes peu farouches (John Lurie, Colin Newman, Minimal Contact, Bebel Gilberto).