La situation actuelle de Marduk est assez paradoxale. Alors que le groupe n'a sans doute jamais été aussi bon, ayant retrouvé depuis l'enrôlement de Mortuus derrière le micro plus qu'un second souffle, son âge d'or semble loin désormais, apogée atteinte en 1999 avec "Panzer Division Marduk" que certains ont alors décrit, à raison d'ailleurs, comme le "Reign In Blood" du Black Metal, sorte de mètre-étalon du genre et ultime étape avant que l'homme ne se transforme en bête.
Combien sont restés bloqués sur cette période des Suédois, quitte à minimiser la valeur de leurs dernières offrandes pourtant remarquables et non moins brutales que leurs devancières. Car, nous ne le répéterons jamais assez, mais en embauchant le chanteur de Funeral Mist pour remplacer un Legion que certains Ayatollahs regretteront toujours (à tort) et en décidant de partager son bébé, la musique enfantée par Morgan a gagné en puissance sinistre, en noirceur venimeuse, vomissant des atmosphères malsaines suintant de ces lignes vocales abyssales et soulignées par de lourds mid-tempos aussi implacables que lugubres.
Après deux albums passés à forger cette nouvelle identité, grand était le risque de tourner en rond, de photocopier une recette éprouvée comme cela fut le cas avec "World Funeral" qui n'apportait pas grand chose de neuf par rapport à ses aînés. "Wormwood" ne tombe pas dans ce piège. Quand bien même il reproduit le schéma élaboré par "Plague Angel" et "Rom 5:12", alternant de fait saillies barbares ('Nowhere No-One Nothing') et pulsations plus reptiliennes mais néanmoins toujours haineuses ('Funeral Dawn'), ce onzième opus poursuit subtilement l'évolution mortifère à l'oeuvre depuis ces dernières années sans pour autant se répéter.
Plus proche que jamais de 'Funeral Mist', Marduk s'enfonce encore plus profondément dans l'indicible et la décrépitude la plus absolue, nasse nocturne et polluée à l'image de 'Into Utter Madness', 'Whorecrown' et ses dernières mesures aux confins de l'Ambient sans oublier surtout 'To Redirect Perdition', puissante composition aux relents de miasmes malsaines. Même les titres les plus rapides se parent de touches morbides qui en brisent la linéarité attendue, ce qu'illustre 'Phosphorous Redeemer', notamment.
Techniquement impérial, même en l'absence du lapin Duracel Emil Dragutinovic derrière les fûts, Marduk confirme avec ce "Wormwood" imparable une inspiration renouvelée. Plus équilibré et maîtrisé que ses deux prédécesseurs, il couronne un travail collégial, celui du tandem Morgan/Mortuus désormais parfaitement rôdé... Peut-être un des meilleurs albums du groupe, tout simplement.