Un mauvais disque de Katatonia, est-ce que ça existe ? La réponse semble être bien évidemment négative tant les Suédois parviennent à conserver une égale inspiration alors même qu'ils n'ont eu de cesse d'évoluer, de travailler leur art sans jamais s'égarer ni se renier. Rares sont ceux qui peuvent en dire autant. C'est pourquoi chaque nouvel album est attendu avec confiance et un intérêt jamais entamé, promesse d'y trouver comme à chaque fois quelque chose de nouveau niché dans les recoins d'un menu qui paraît de prime abord être toujours un peu le même.
"The Great Cold Distance" ne déroge pas à cette règle. Publié trois ans après l'acclamé "Viva Emptiness", silence anormalement long pour Katatonia, toutefois brisé par la livraison de deux compilations ("Brave Yester Days" puis "The Black Sessions"), cet opus reprend les choses là où son prédécesseur les a laissées. Pour une fois, le line-up reste inchangé autour du trio (quasi) originel Renkse/Nyström/Norrman, stabilité qui loin d'être anecdotique a permis au groupe de peaufiner ce nouvel essai.
De fait, ce qui frappe en premier lieu à son écoute est sa prise de son, massive et dense, à l'image de ses compositions qui ont ainsi gagné en puissance ramassée. Bijoux de précision dignes d'un travail d'orfèvre, elles forment une espèce d'agrégat compact, écrasant, presque indivisible. Jamais les guitares n'ont été aussi pesantes, dressant un véritable blockhaus. Recouverts d'une chape de plomb, ces titres sécrètent pourtant des trésors d'émotion, une émotion écrite à l'encre noire du désespoir ('Increase').
Ce faisant, Katatonia prouve qu'il n'a pas mis en jachère sa mélancolie en s'éloignant des rivages sinistres de ses débuts. Mieux, rarement, il n'aura sonné aussi froid. Aucun espoir ne vient diluer une tristesse que l'on devine infinie, aucune lumière ne vient réchauffer cette oeuvre charbonneuse vibrant d'une tension sourde, masse sombre et crépusculaire. Dès l'inaugural 'Leaders', nous sommes ferrés par ce désenchantement hypnotique. L'étau ne se desserrera plus, débouchant encore une fois sur un très grand disque dont on voit mal ce qui pourrait venir en contester la réussite.