Suite au caractère quasi-intimiste des sorties de leurs précédents albums ("Sail Away" - 1994 et "Let It Rock" - 1996), les Américains de Great White avaient décidé de faire un break à la durée non planifiée. Autant dire que nombreux étaient ceux qui pensaient que le grand blanc ne referait jamais surface. Pourtant, seulement 3 ans après ce split momentané, voilà que le quintet est de retour avec un nouvel opus à la pochette chatoyante, intitulé "Can't Get There From Here" et produit de main de maître par Jack Blades (Night Rangers, Damn Yankees). De quoi mettre l'eau à la bouche de tous les amateurs du Hard-Rock bluesy de la bande de Mark Kendall, surtout lorsqu'un coup d'œil au livret nous informe qu'un certain Don Dokken s'est également beaucoup investi auprès des cinq Californiens.
Pourtant, passé l'imparable 'Rollin' Stoned' qui ouvre l'album avec son Rock'n'Roll bluesy et entraînant typique du combo, il faut vite reconnaître que Great White se la joue plutôt cool avec la multiplication de ballades et mid-tempi. Certes, l'ensemble est de qualité, mais l'ambiance générale, si elle est propice à la détente, reste assez loin de ce que le groupe avait l'habitude de nous proposer avant son break. En enchaînant directement avec la power-ballade mid-tempo 'Ain't No Shame' composée avec Blades et Dokken, le quintet assume clairement une orientation qui risque d'en décevoir certains. En effet, sur 12 titres, seuls 3 peuvent être réellement considérés comme Hard-Rock, au point même que l'énergie du rapide et cinglant 'Gone To The Dogs' détonne et, placée en milieu d'album, aurait presque tendance à briser la cohérence de l'ensemble. Nous n'oublierons cependant pas l'excellent et accrocheur 'Saint Lorraine' dont le Big Rock US groovy laisse encore quelques espoirs de solliciter les articulations pour la suite.
Malheureusement, et sans que leur qualité ne puisse être mise en cause, tous les autres titres visent plus à faire parler l'émotion et laisse l'énergie de côté, même si le bien nommé 'Psychedelic Hurricane' redonne un peu de dynamique en fin d'album avec son esprit 70's mis au goût du jour et sa montée en intensité. Il serait cependant dommage de dénigrer cette prise de risque, d'autant qu'en matière de transmission des émotions, le chant de Jack Russell et la guitare de Mark Kendall sont des guides qu'il est bien agréable de suivre. Que cela soit dans une ambiance acoustique et intimiste aux accents country ('In The Tradition' et 'Sister Mary'), ou sur des mid-tempi mélangeant Blues, Rock et Pop dans un esprit highway song ('Freedom Song', 'Wooden Jesus' ou 'Hey Mister'), il est difficile de ne pas se laisser emporter par les qualités de conteurs de ces vieux briscards. Et que dire de ce 'Loveless Age', Blues-Jazz qui transpire le feeling de chaque note, si ce n'est qu'on en aurait bien pris quelques minutes de plus ?
"Can't Get There From Here" est donc le type même d'album qui vous fera osciller entre le respect d'une prise de risque artistique et le regret d'une époque où le groupe savait se montrer plus énergique. Le plaisir indubitable ressenti à l'écoute de cet opus laisse cependant un sentiment globalement positif. Reste désormais à savoir si nous avons eu affaire à une expérience ponctuelle ou si Great White souhaitera continuer sur cette nouvelle voie.