Nickelback fait partie de ces groupes dont la formule semble gravée dans le marbre avec un succès commercial toujours garanti. En même temps, nombreuses sont les formations à faire carrière depuis des décennies avec une identité fortement affirmée sans que personne ne trouve à y redire. Alors pourquoi Chad Kroeger et sa bande devraient-ils avoir à s'en justifier ? Pourtant, depuis quelques temps, l'édifice canadien s'est retrouvé agité de soubresauts auxquels il ne nous avait pas habitués. Passons sur la relation tumultueuse entre Chad Kroeger et Avril Lavigne qui relève plus de la presse people. Par contre, le changement de maison de disque qui a vu le quatuor quitter Roadrunner pour rejoindre Republic Records, et le remplacement de Joey Moi (fidèle producteur depuis 'Silver Side Up') par Chris Baseford (connu pour son travail avec Rob Zombie), sont des évènements dont les conséquences risquaient d'impacter directement la musique du combo Nord-Américain.
Et pour le coup, 'No Fixed Address', nouvel opus des bûcherons, risque d'en déstabiliser plus d'un. Car changements il y a, même si l'identité du groupe reste globalement reconnaissable. Dès les premières notes de "Million Miles An Hour", la voix de Chad Kroeger semble sortir des profondeurs de l'espace alors que des éléments électro viennent renforcer les gros riffs habituels de guitares. Ces éléments électro sont d'ailleurs la principale évolution présente sur cet album, emmenant Nickelback vers des territoires inconnus jusque là, sous l'impulsion évidente d'un Basefort recyclant partiellement ses habitudes acquises aux côtés de Rob Zombie. Les synthés viennent ainsi régulièrement étoffer le son de guitares toujours aussi puissantes, allant même jusqu'à nous donner l'impression de nous trouver en présence d'un album de métal symphonique le temps de l'introduction de "The Hammer's Going Down".
Au milieu de titres plus classiques ("Satellite", "Get'Em Up") voire convenus ("Miss You", "Sister Sin"), quelques surprises viennent également se glisser. C'est le cas d'un "Edge Of A Revolution" laissant éclater la colère de Kroeger et appelant au réveil des consciences. Rarement le leader du groupe ne s'était autant engagé et le résultat en valait la peine. Par contre, les tentatives visant à distiller un peu de groove dans certaines compositions débouchent sur des résultats mitigés. Autant il est finalement aisé de se laisser prendre à la fraîcheur et au second degré d'un "She Keeps Me Up", autant l'intervention du rappeur Flo Rida au sein de "Got Me Runnin' Round" ne fait que renforcer la sensation de compromission dépassant les limites du tolérable.
Le résultat global est finalement inégal et laisse un sentiment mitigé, entraînant l'auditeur sur des montagnes russes capables de l'élever vers quelques sommets enthousiasmants, mais également de le précipiter vers quelques abîmes de déceptions. Nickelback semble avoir du mal à trouver le juste équilibre entre une identité forte et quelques évolutions pas toujours maîtrisées. S'il n'est pas certain que ces dernières fassent l'unanimité, elles ont au moins le mérite de prouver que les Canadiens sont capables de se remettre en question. Reste à espérer qu'ils seront capables de n'en garder que le meilleur pour la suite.