Malgré son packaging soigné et sa durée raisonnable de 36 minutes, "Severh Sehenh" n'est pas à proprement parler la troisième exploration longue durée de Treha Sektori, entité culte de la chapelle Dark Ambient. Censé marquer la fin d'un cycle débuté par "Endessiah" dont il reprend d'ailleurs certains thèmes, ce n'est ni un EP ni l'agrégat hasardeux de fonds de tiroir mais plutôt une espèce de kyste, tumeur aux allures d'excroissance monstrueuse d'une oeuvre dont elle incarne l'achèvement. La mort.
Il s'agit là de la première singularité de cette création. La seconde réside dans la structure même de "Severh Sehenh", qui se déploie sous la forme d'une seule et unique piste. Mais, à la manière d'un film resté célèbre d'Alfred Hitchcock composé d'un long plan séquence qui en cache en réalité plusieurs mis bout à bout, cette complainte explose en plus d'une dizaine de mouvements qui se fondent les uns dans les autres en un bloc limpide d'une frissonnante beauté. Originellement imaginés pour des performances scéniques de ce mystérieux projet, ces aplats se fondent en un tout indivisible, long râle crachant un souffle mortifère.
Encore une fois, le résultat est tout bonnement grandiose, macération hypnotique qui en revisitant "Endessiah", en extrait la moelle, la semence tapie au fond de ses sombres et intimes crevasses. De ces sons fantomatiques coulent des images de désolation absolue, d'une solitude qui se noie dans l'éther d'une vie morne dont on ne fait qu'attendre l'interminable conclusion. Masse grondante de sonorités glaciales, 'Severh Sehenh' possède cette faculté rare, qui est aussi celle de Treha Sektori, d'envelopper tout ce qui l'entoure, de plonger l'auditeur dans une nuit sans fin, plainte dont les effluves résonnent tel un écho hanté et pulsant d'une énergie obscure semblant provenir des arcanes de l'Inconnu.
Détenteur d'une écriture qui n'appartient qu'à lui, Treha Sektori ne déçoit pas avec cet album qui prolonge la jouissance funèbre déclenchée par "Endessiah", égrenant ses notes froides au goût de mort. S'abîmer dans ses spectrales méandres tient de l'expérience, de l'exploration de l'indicible, où l'on se coule, s'abandonne dans un monde crépusculaire dont on ne revient pas.