Paru la même année que "On The Threshold Of A Dream", "To Our Children's Children's Children" ne s'en démarque pas beaucoup. Les quatre albums sortis en l'espace de trois ans ne brillent pas par leur originalité et les Moody Blues réutilisent sans grande imagination les ficelles qui ont si bien marché sur leur disque précédent.
L'histoire ne leur donne pas tort puisque "TOCCC" sera une réussite tant sur le plan critique que commercial. Pourtant avec le recul, on ne peut s'empêcher de penser que le groupe reste bien timoré dans ses innovations. Depuis quelques années, d'autres groupes commencent à faire sortir la musique de ses carcans. Si certains comme les Beatles essayent encore de marier musique populaire, nouveautés technologiques et audaces artistiques, d'autres s'affranchissent carrément de toute barrière tels Pink Floyd dans les longues improvisations de ses débuts. Après l'ère météorique du psychédélisme qui s'achève, le rock progressif fait ses premiers pas balbutiants : Genesis, Yes, Van der Graaf Generator sortent leurs premiers albums, sans oublier, à tout seigneur, tout honneur, King Crimson et son "In The Court Of The Crimson King".
A l'écoute de l'album, on ne peut se départir du sentiment que les Moody Blues ne jouent pas dans la même cour et que leur musique est bien sage. Les compositions sont moins inspirées que celles des Beatles, moins ironiques que celles des Who, moins poétiquement décalées que celles du Pink Floyd de Syd Barrett, moins audacieuses que celles de King Crimson. Reste une suite de chansons, certaines bien agréables ('Eyes of a Child II', 'I Never Thought I'd Live to Be a Hundred/a Million', 'Gipsy', 'Candle Of Life'), d'autres bien pataudes (le refrain de 'Eyes of a Child I', 'Eternity Road') voire ennuyeuses ('Out And In' et 'Sun Is Still Shining', Mike Pinder s'inspirant sans l'égaler du psychédélisme développé par George Harrison sur des titres comme 'Love You To' ou 'Within You, Without You').
Nonobstant ces considérations, l'album s'écoute sans déplaisir. Conceptuel comme à l'accoutumée, les Moody Blues ont été inspirés cette fois par les premiers pas sur la lune de Neil Armstrong et Buzz Aldrin. Les orchestrations luxuriantes, marque de fabrique du groupe, enrichissent les mélodies léchées, signées comme d'habitude par chaque musicien à parts à peu près égales. Le recours aux nouvelles technologies et aux effets spéciaux comme le son du décollage d'une fusée en introduction et les nombreuses voix réverbérées tout au long de l'album renforcent le côté spatial/science-fiction qui colle au thème choisi.
Resitué dans son contexte, on ne peut s'empêcher de penser que "TOCCC" n'a pas le lustre de ses glorieux contemporains et que seuls ceux qui l'auront découvert lors de sa parution ou les indéfectibles amateurs de musiques anglo-saxonnes gentiment mélodieuses trouveront un intérêt à cet album daté et manquant de l'audace qui aurait pu lui conserver un attrait pour les générations à venir.