Après quatre albums consécutifs bâtis sur le même moule, les Moody Blues innovent quelque peu avec "A Question Of Balance", poussés par le constat que les arrangements luxuriants de leurs albums précédents rendent difficile l'interprétation de leurs chansons sur scène. Ils décident donc d'enregistrer leur nouvel album en quasi-prise directe sans recourir aux artifices offerts par leur studio d'enregistrements.
Incontestablement, cela s'entend et "A Question Of Balance" sonne fort différemment de ses prédécesseurs. Pourtant le groupe ne change rien à son procédé d'écriture : chaque membre du groupe compose dans le registre qui lui est propre des chansons qui s'enchainent sans transition les unes aux autres. Les titres de Justin Hayward ont tous le format de tubes romantiques et ceux de Mike Pinder sont certainement les plus inventifs et torturés, tout étant relatif, rien à voir cependant avec King Crimson ou VDGG. John Lodge et Ray Thomas font des chansons dont le côté "gentils garçons" frôle parfois la mièvrerie. Enfin Graeme Edge qui s'était jusque-là cantonné à des titres mineurs surprend par ses deux compositions (dont une co-signée avec Thomas) beaucoup plus abouties et assez sombres.
Est-ce l'absence de concept qui donne à cet album l'air d'être mieux fini ? Aucun titre ne laisse ce goût d'inachevé que l'on pouvait ressentir sur les albums précédents à l'écoute de certains morceaux qui ne semblaient pas être allés au bout de leur développement. Par ailleurs, 'Question' est une bien meilleure entame que les poèmes musicaux d'Edge. Constitué d'une partie centrale émouvante encadrée de deux couplets plus dynamiques (à l'origine il s'agit de deux chansons distinctes qu'Hayward va fusionner), 'Question' sera à juste titre l'un des fers de lance du groupe. Autre moment fort, 'Melancholy Man' de Pinder est un hymne poignant d'une beauté magnifique dont le chant mélancolique doublé de chœurs malheureux est d'une tristesse à fendre l'âme.
Le retour à la simplicité et à la prise directe donne un son moins étoffé. Les nappes de claviers et orchestrations de cordes, omniprésentes sur les albums précédents, ont cédé la place à la guitare acoustique, grande gagnante dans l'opération. Les harmonies vocales qui sont la marque de fabrique du groupe ont elles-aussi gagné en clarté de ne plus être noyées dans des arrangements parfois étouffants.
Même si l'album ne peut prétendre paraître moderne, il a cependant mieux subi les outrages du temps, sonnant comme un album des Who ou des Kinks de l'époque, et surprend moins nos oreilles contemporaines. Pourtant, bien que "A Question Of Balance" fût comme ses prédécesseurs une réussite commerciale, il faut croire que le résultat ne satisfit pas complètement le groupe qui retournera à ses chers arrangements sur les deux albums suivants.