C'est du fin fond de leur retraite dans une cabane de chasse de la campagne berlinoise que les membres de Livingston ont concocté leur troisième album, "Animal". Contraints par leur label de donner une tournure plus commerciale à leur album précédent et insatisfaits du résultat obtenu, les musiciens décident de s'isoler pour lui donner un successeur à leur goût et contrôler le processus de A à Z, de la composition à la production en passant par la réalisation et le mixage. Exit le label et la cible marketing proprette.
Au vu du résultat, on se dit que Livingston a fait le bon choix. Si le premier titre, le seul instrumental de l'album, surprend par son caractère post rock fait de guitares réverbérées et de sonorités mélancoliques de violoncelle, les trois titres qui suivent sont des titres pop rock énergiques aux mélodies bien troussées. Beukes Willemse chante sur un mur de sons guitare/basse/batterie (les claviers sont légèrement en retrait), sa voix se brisant régulièrement dans des fêlures qui chatouillent notre fibre émotionnelle. La structure couplet/refrain est parsemée de mini-breaks qui relâchent la pression et mettent d'autant mieux en valeur les moments intenses.
Cette entrée en matière dynamique pourrait laisser croire que le groupe dispense un rock bien léché mais formaté FM au point de se demander pourquoi s'être séparé de son label, d'autant que le résultat est fort agréable à écouter. Mais les titres qui vont suivre permettent à Livingston de s'émanciper quelque peu des carcans imposés par les médias pour plaire (paraît-il) au plus grand nombre. Oh, les audaces sont bien légères ! Une mélodie qui dévie de son axe, un pont de percussions par-ci, une ligne de basse comme ossature par-là, des vagues lointaines de clavier, un peu d'human beat box, des touches ethniques, quelques effets larsen, des sons saturés, des parasites, le tout dispensé à dose homéopathique mais qui confère à l'album son unité et son caractère.
Du coup, "Animal" change de catégorie et passe de rock FM à rock alternatif. Tout n'est pas propre, tout n'est pas conçu pour plaire aux masses, tout n'est pas obligatoirement instinctif et dansant. Mais tout est fait avec une évidente sincérité. Au fil des titres, on pense à Coldplay pour le pop/rock séduisant, Muse pour la démesure et l'emphase, Alphaville pour le côté new wave plus si "new" que ça, Keane pour le romantisme de bon aloi, Linkin' Park pour l'énergie communicative et Radiohead pour l'éclectisme inventif. Sans que l'une de ces influences l'emporte sur les autres, juste des impressions fugaces aussi vite disparues qu'elles sont venues.
Sens mélodique, puissance, conviction sont indubitablement les atouts de Livingston. "Animal" plaira à tous ceux qui aiment les chansons à la fois simples mais contenant leur lot de petites surprises.