Depuis une vingtaine d'années, et au-travers de ses multiples groupes ou projets – Cyan, Magenta, Kompendium ou encore Chimpan A -, Rob Reed a régulièrement (pour ne pas dire systématiquement) laissé transparaître dans ses différentes œuvres son amour inconditionnel des premières œuvres de Mike Oldfield, directement (sample de Tubular Bells utilisé dans The Secret Wish sur l'album unique de Chimpan A) ou indirectement sous la forme de passages ou titres instrumentaux aux sonorités immédiatement reconnaissables au sein des productions de Magenta. Citons notamment My Home Town (sur Home), et surtout le magnifique Essence of Love, disponible sur l'EP Night and Day.
Tel Icare cherchant toujours plus à se rapprocher du soleil, notre artiste franchit le pas en cette année 2014, et se fend d'un album complet en hommage à son inspirateur.
Format de l'album (2 longues plages instrumentales idéalement dimensionnées pour tenir sur un vinyle), nombreux instruments (dont les cloches tubulaires) joués par un seul homme, travail sur les sonorités et plus particulièrement sur la guitare pour se rapprocher de ce fameux vibrato unique, Rob Reed a tout mis en œuvre pour écrire et produire non pas un pastiche de Tubular Bells (ou une nième version), mais bien une œuvre originale "dans le style de". Et le moins que l'on puisse écrire, c'est que le résultat s'avère particulièrement bluffant, à tel point qu'une écoute en aveugle de Sanctuary engendrerait probablement une quasi-unanimité de réponses erronées quant à l'auteur présumé de ces 39 minutes de musique (et ce au moment même où Mike Oldfield parle de réaliser un prologue à ce qui reste son plus grand succès).
La description de cette galette peut donc se résumer à un vibrant hommage s'inspirant sans vergogne des plus grands albums du maestro. Nous retrouverons pêle-mêle des thèmes et rythmiques rappelant les quatre premiers albums de Mike Oldfield (Tubular Bells et ses mesures impaires, Hergest Ridge et son chorus de guitares saturées, Ommadawn et ses montées et descentes de manche, Incantations et ses thèmes répétitifs au marimba), mais aussi quelques échos en provenance d'Amarok ou de Tubular Bells II. Pour l'amateur éclairé, le jeu consisterait sans doute à retrouver l'origine des différents passages, et c'est un peu ce qui se passe lors de la première écoute de la première partie de Sanctuary, où les très nombreux thèmes s'enchaînent les uns après les autres, avec parfois un peu de frustration pour l'auditeur de ne pas en voir certains connaître quelques développements supplémentaires. Ce sentiment disparaît avec la deuxième partie de l'album, globalement plus calme, plus pastorale, présentant des thèmes plus originaux se détachant plus des œuvres de références de l'artiste, et prenant surtout le temps de se développer, aboutissant à une véritable plénitude et dégageant une impressionnante sérénité, parfaitement retransmise par une production faisant entièrement goûter la superposition des multiples couches sonores.
Alors que la carrière de Mike Oldfield touche à sa fin avec des publications de plus en plus rares (et les mauvaises langues ajouteront, sans doute avec raison, de plus en plus quelconques), Rob Reed lui rend un vibrant hommage qui, loin d'être passéiste, remet en lumière tout le génie que notre homme a pu déployer il y a plus de 40 ans. Certains accuseront peut-être le gallois de plagiat ? Cela serait tout bonnement injuste tant le résultat est réussi et totalement au niveau des œuvres dont il s'inspire. Et puisque la musique reste avant tout un formidable vecteur d'émotions, il serait totalement idiot de bouder son plaisir en passant à côté de cet album qui, au-delà du moment formidable qu'il permet de passer à son écoute, pourrait peut-être donner quelque idée à son inspirateur ?