Aborder la chronique d'un nouvel album de U2, jadis proclamé plus grand groupe du monde, n'est jamais chose aisée tant la formation menée par Bono se trouve scrutée, attendue au tournant à chaque nouvelle production, pour au final se retrouver autant encensée que critiquée. Dernier album en date publié en 2009, No Line on the Horizon avait généré sur notre site des avis allant de 1 à 5, prouvant ainsi toute la diversité d'opinions que ce groupe déclenche aujourd'hui, bien loin de la quasi-unanimité qui collait à ses premiers albums.
Pour leur treizième livraison, les quatre irlandais nous proposent, au moins dans les textes, un retour en arrière sur leur jeunesse. Passons sur la commercialisation d'une avant-première "gratuite" accompagnant le lancement du dernier gadget de la marque à la pomme, pour nous plonger à corps perdu dans le premier titre, qui est également le premier single d'une probable longue série, The Miracle (of Joey Ramone). Si ce n'était la voix caractéristique de Bono (même si elle commence à présenter quelques signes de faiblesse), l'on se croirait tout droit plongé dans un album de Coldplay : mélodie facile et chatoyante, arrangements pseudo-symphoniques et une certaine légèreté se dégagent de cette entame assez éloignée du son traditionnel du groupe, avec utilisation de Yeah-Yeah et autres Ouh-Ouh pour meubler ou accompagner les parties vocales.
Cette tendance va se poursuivre durant une petite moitié d'album, avec des titres formatés pour des passages en radio, certes loin d'être désagréables car dotés de mélodies le plus souvent magnifiques, mais auxquels il manque un petit quelque chose, un soupçon d'ambition peut-être, pour devenir des incontournables. C'est ainsi que le "progressiste" que je suis aurais bien vu quelques notes de Uileann Pipes pour soutenir la superbe ballade Song for Someone, ou encore voir le magnifique Iris (Hold me Close) doté d'un vrai solo de guitare de The Edge plutôt que d'une fin en eau de boudin.
Après cette première partie sans aspérité mais pas sans intérêt, Volcano propose une rupture certaine, avec une texture plus brute rappelant les années 90 du groupe, avant que Raised by Wolves ne voie son statut de potentiel meilleur titre de l'album bafoué par une production étouffant le refrain au lieu de lui donner de l'ampleur. Passés ces deux titres dynamiques en diable, la fin de l'album reprend le scénario de la première partie, avec sa collection de titres plutôt sympathiques, conclus par un The Troubles intéressant et à la voix féminine apaisante, mais comprenant également l'horrible This is Where you Can Reach me Now, que l'on aurait associé il y a 30 ans à des groupes comme Duran Duran ou Inxs !
Après plusieurs écoutes de Songs of Innocence (eh oui, à Musicwaves, on écoute les albums !), le sentiment reste partagé. Certes, la grande majorité des titres présents sur cette galette s'avère de bonne facture, dans un style pop/rock qui leur garantira à n'en pas douter de nombreux passages en radio. En revanche, outre le fait que U2 semble évoluer en pilotage automatique, il manque une étincelle à cette nouvelle production pour lui donner un peu plus de crédit sur la durée. Enfin, et ceci n'est pas le moindre des reproches que l'on peut faire à cette livraison, le son U2, celui qui caractérise le groupe depuis ses débuts, et notamment le jeu de guitare de The Edge, n'est que trop rarement présent, gommé par une production très lisse qui certes équilibre les différents courants sonores, mais met bien trop en retrait celui qui a tellement fait pour la notoriété de son groupe, et du coup le fait ressembler à tant d'autres.