Lorsque paraît en 1972 l'album éponyme à leur nom de baptême, Styx a déjà quelques années de pratique derrière lui, même si les membres ont plusieurs fois changé le nom de leur groupe. Formé à Chigago au début des années 60 autour des deux frères Panozzo (basse et batterie) et de Dennis DeYoung (claviers), le combo se renforce de deux guitaristes en la personne de John Curulewski en 1969 et James Young en 1970.
Pour ce premier album, Styx recourt encore beaucoup aux reprises d'autres artistes puisque seuls deux titres, 'Movement for the Common Man', une suite de 11 minutes, et 'Best Thing' sont cosignés Young/DeYoung. Une exception qui confirme la règle car, à de rares emprunts au classique près, les membres du groupe composeront par la suite la quasi-totalité de leurs chansons.
Autre particularité, la longueur et le découpage du premier titre en quatre mouvements qui pourrait laisser croire en cette période faste pour le rock progressif que Styx ambitionne d'en être l'un des fers de lance. En fait, ce moment décousu est constitué de deux compositions, l'une de Young qui ouvre l'album d'un hard rock nerveux et basique, l'autre de DeYoung qui clôt le morceau d'une mélodie tour à tour romantique puis enlevée et où le jeu des claviers virevoltants rappellent par moment les flamboyances d'un ELP. Pris en sandwich entre les deux, un intermède réalisé à base de collage de différentes voix et une interprétation de 'Fanfare for the Common Man' d'Aaron Copland à la justesse approximative et fort heureusement très courte. Rien ne relie entre elles ces quatre parties à la juxtaposition artificielle d'où seul surnage la belle composition de DeYoung.
Ce titre a par contre le mérite d'exposer en une poignée de minutes ce que sera l'histoire du groupe : un constant mouvement de balancier entre hard rock et glam rock, les guitaristes James Young, John Curulewski et plus tard Tommy Shaw préférant le premier tandis que le claviériste DeYoung penche pour le second. Autres caractéristiques qui suivront la carrière du groupe, la présence de plusieurs chanteurs (Young à la voix légèrement criarde d'un hard rocker et DeYoung au timbre plus enjôleur (Curulewski et plus tard Shaw interpréteront également leurs propres compositions), les nombreux moments de bravoure répartis entre les guitares et les claviers et la présence de nombreux chœurs à la Queen (comprenez des voix angéliques partant dans des aigus improbables), même s'il s'agit là d'un anachronisme, le premier album de Styx précédant d'un an celui de Queen.
Les cinq autres titres suivent tous un tempo énergique, partagés entre rock classique et hard rock, tout à la fois agréables, à l'interprétation solide mais sans véritable originalité. On passe un bon moment, de là à dire qu'il est inoubliable … Par ailleurs, DeYoung n'a pas encore affirmé sa prépondérance sur le chant, la plupart des titres étant interprétés par Young à la voix bien moins charismatique.
Au final, ce premier opus, honorable, manque un peu d'originalité et se cherche au travers de différents styles. Composite entre Led Zeppelin pour le côté farouche, Emerson pour les claviers fougueux et Queen pour les chœurs et ce goût du raffinement dans les mélodies les plus âpres, "Styx" est un galop d'essai prometteur qui sera rapidement suivi d'albums plus aboutis.