On croyait TeHÔM enterré avec son fondateur Sinisa Ocurscak, mort en 1997 après l'enregistrement de "Theriomorphic Spirit', publié trois ans plus tard. Cette entité culte de la chapelle Dark Ambient est pourtant de retour, désormais guidé par le seul Milijenko Rajakovic. "Lacrimae Mundi" scelle cette résurrection, troisième offrande aux allures de messie attendue par toute une génération marquée par ses devancières sorties à l'époque chez Twilight Command (Death In June).
Dédié au Croate trop tôt disparu, cet opus se révèle d'une noire puissance, magma sonore d'une froideur hermétique que hantent des soundscapes fantomatiques et des sons au souffle funeste. Parfois percussives ('Abyss') sinon envoûtantes ('Amorphous Structure') mais le plus souvent effrayantes, parasitées par une prolifération de kystes divers (voix lointaines, rouages indus) à l'image du titre éponyme, ces pistes ont quelque chose d'un gouffre sans fond, d'une étendue d'eau tellement sombre et opaque qu'on ne peut voir à travers.
L'album déroule ses tentacules mortuaires, avalant jusqu'à la plus faible source de lumière, rendant son écoute difficile, oeuvre aride dont on ne retient tout d'abord pas grand chose, si ce n'est des impressions tenaces, images de désolation d'une humanité qui s'abîme peu à peu au fond d'une nasse dont elle ne pourra s'extraire.
Une beauté timide suintant ici ou là de ce monolithe sonore ('The Magnitude Of Shaking') ne suffit pas à combattre cette abyssale noirceur qui s'abat à la manière d'une chape de malheur. Ni espoir, ni issue ne se profilent à l'issue de cette trame désincarnée. Mais ce rejet de la lumière, ce refus du moindre éclat salvateur, participent justement de la réussite de "Lacrimae Mundi" dont on n'attend pas autre chose que ténèbres insondables et force crépusculaire, création que mine un absolu désespoir, sur laquelle plane la mort...
Son retour à la vie ne trompe pas car c'est au final un peu comme si une partie de TeHÔM était restée dans les limbes. Cet album mortifère en porte les stigmates, comme s'il semblait (re)venir de très loin, des enfers peut-être bien.