Quand bien même il se présente avant tout comme le jouet des deux têtes pensantes de Katatonia, soit Anders Nyström et Jonas Renkse qui l'ont fondé en 1998 pour épancher leur soif de Death Metal old school, et autour desquels s'organise un line-up mouvant à géométrie variable, reconnaissons que sans Mikael Akerfeldt et sa voix d'outre-tombe, Bloodbath n'est plus tout à fait lui-même. "Nightmares Made Flesh" puis "The Fathomless Mastery" l'ont démontré, le premier en le remplaçant derrière le micro par le pourtant respectable Peter Tätgtgren, le second en marquant justement son retour.
Six ans après son dernier rot, le groupe a (enfin) décidé de sortir de son caveau, privé encore une fois du leader d'Opeth, sans doute trop occupé par son principal port d'attache. En jetant leur dévolu sur Nick Holmes, les Suédois n'ont pourtant pas embauché n'importe qui. S'il s'agit d'un choix somme toute surprenant en cela que le chanteur de Paradise Lost a depuis longtemps remisé ce type de voix caverneuse, l'écoute de "Grand Morbid Funeral" balaie très vite les doutes que nous nourrissions à son égard.
Car, sans faire oublier son prédécesseur, l'Anglais, au registre plus cendreux et plus sinistre, se fond plutôt bien dans le jus lépreux concocté par la paire Nyström/Renkse, toujours accompagnée de l'ex Katatonia Per Eriksson à la guitare et du batteur Martin Axenrot (Opeth). Il faut dire que, s'il ne rechigne pas à galoper dans des viscères encore fumantes ('Total Death Exhumed'), Bloodbath préfère cette fois-ci serrer le frein à main, appuyer sur l'interrupteur et donc miser sur les ambiances, morbides forcément, ce qui n'est pas pour déplaire à Holmes qui trouve là l'humus mortifère pour cracher une bile ensanglantée comme à l'époque du premier Paradise Lost. Ses lignes vocales ont moins de charme que celle d'Akerfeldt mais elles se révèlent des plus efficaces et valent bien de toute façon celles de Tätgtgren.
On peut en outre toujours compter sur le savoir-faire des Suédois pour exécuter un death metal à l'ancienne de très bonne facture. Aisément reconnaissable, leur écriture accouche de ces lignes maladives dont ils conserve le secret ('Famine Of God's Word'). Bien qu'inférieur au séminal "Resurrection Through Carnage", "Grand Morbid Funeral, après de poussifs préliminaires, gagne peu à peu en valeur, notamment à partir de 'Church Of Vasistas' qui vibre au son de ces guitares osseuses accordées plus bas que terre. En privilégiant les tempos extrêmement lourds, presque baveux, le groupe trouve ainsi un nouveau souffle, qu'incarnent 'My Torturer', où s'invite le mythique Chris Reifter d'Autopsy et plus encore le titre final éponyme que drape tel un suaire lugubre des atmosphères de cimetière brumeux envahi par une armée de zombies.
A l'arrivée, voilà un solide album dont on se demande tout de même comment il pourra être défendu sur scène par un Nick Holmes déjà inégal en temps normal dans ce cadre et qu'on imagine donc mal assurer ses parties de chant death... On préférera toujours ce que font les membres de Bloodbath dans leurs groupes respectifs, que ce soit Katatonia ou Paradise Lost...