Trois ans après un "Octave" ayant vu Mike Pinder quitter le groupe, les Moody Blues sont de retour avec un nouvel album enregistré pour la première fois sur leur propre label, Threshold Records. Ce changement n'est pas le seul dans le monde des géniteurs de 'Nights In White Satin' puisque Patrick Moraz (ex-Yes) est officiellement intégré au line-up pour remplacer Pinder derrière les claviers du quintet, alors que Pip Williams se charge de la production tout en dirigeant le New World Philarmonic Orchestra qui vient étoffer les nouvelles compositions. Voilà qui représente de nombreuses évolutions pour un opus qui fait déjà office de dernière chance pour un groupe dont la carrière semble suivre une pente douce vers l'oubli.
Mais très rapidement, l'écoute des premiers titres vient rassurer quant à la santé des Britanniques. Il faut dire que Justin Hayward et John Lodge n'ont pas leur pareil pour composer des titres à la fois accrocheurs et ambitieux. Premier morceau du disque et premier single, 'The Voice' fait preuve d'un enthousiasme communicatif, s'appuyant sur un parfait équilibre entre claviers et orchestre et bénéficiant d'un joli solo de guitare. Plus symphonique et ambitieux, 'Talking Out Of Turn' reprend cependant des éléments communs sur lesquels viennent se greffer un refrain accrocheur et de belles envolées guitaristiques, ceci sans que l'on voit passer les 7 minutes de ce titre. Enfin, au milieu de claviers omniprésents renforcés par le double chant de Lodge et Hayward, 'Gemini Dream' fait preuve d'un dynamisme emportant tout sur son passage.
Après un tel début, il n'est pas rare de voir l'intensité d'un album baisser. Mais les Moody Blues ont plusieurs cartes dans leur jeu et sont capables de varier les ambiances et l'intensité pour garder l'auditeur captif. Aux ballades romantiques et éthérées ('In My World') ou plus orchestrales ('Nervous') mais toujours aussi délicates et intemporelles, viennent se greffer quelques titres plus surprenants, que cela soit la Pop scandée au refrain martial de '22.000 Days' évoquant le nombre de jours avant la retraite programmée de Ray Thomas, ou bien la suite composée par les 3 derniers titres et sur laquelle ce dernier fait preuve de tous ses talents théâtraux, passant d'une ritournelle mélancolique à un rock puissant en hypnotisant son auditoire pour l'emmener dans un monde à la Dickens.
Partiellement articulé autour d'un concept traitant du lancement des sondes Voyager vers Saturne par la NASA, "Long Distance Voyager" réussit à se faire à la fois accessible et ambitieux tout en permettant aux Moody Blues de relancer une carrière qui devenait un peu morose. Voilà qui devrait ravir aussi bien les amateurs de pop, de rock mais également de progressif, ce qui n'est pas si facile, en particulier lorsque l'on remet cet album dans le contexte d'une époque sur laquelle régnaient le post-punk et la new-wave.