Depuis le décès de Bon Scott, la vie au sein du line-up d'AC/DC semblait être des plus apaisées. 35 ans durant lesquels seuls 2 changements de batteur était venu troubler une organisation sans faille ni tension, et encore ces derniers s'étaient-ils passé sans drame et en bonne intelligence. Cette année 2014 a pourtant vu le monument australien être ébranlé comme jamais. Ce fut tout d'abord la tête pensante du groupe, Malcom Young, qui se vit hospitalisé en avril pour un problème de démence qui finit par aboutir à son départ définitif du groupe. Bien qu'un accord entre les membres du groupe prévoyait l'arrêt de ce dernier en cas du départ d'un seul d'entre eux, c'est finalement Stevie Young qui a repris le flambeau. Il ne s'agissait pas d'un saut dans l'inconnu, le neveu de Malcom et Angus ayant déjà tenu ce rôle sur la tournée de "Blow Up Your Video". Une fois l'enregistrement du nouvel opus réalisé, ce fut au tour de Phil Rudd de se retrouver sous les feux médiatiques après son interpellation par les forces de l'ordre néo-zélandaises. Bien qu'aucune charge n'ait été retenue contre lui suite à des accusations de tentative d'engagement de tueurs à gage, il reste cependant sous la menace d'une procédure judiciaire pour détention de substances illicites. L'avenir de l'ombrageux batteur n'est pas encore déterminé au sein du groupe mais c'est bien le britannique Bob Richards qui apparaît dans les clips des 2 premiers singles ('Rock Or Bust' et 'Play Ball').
Cette longue introduction s'éloigne du sujet musical qui nous intéresse ici, mais les impacts que ce genre de péripéties peuvent avoir sur l'inspiration d'un groupe sont trop évidents pour éviter de les passer sous silence. 6 ans après "Black Ice", voici donc "Rock Or Bust" qui débarque sur nos platines qui ne l'attendaient plus. L'intégralité des titres étant signée par les frères Young, il y a fort à parier que les surprises seront rares même si le précédent opus offrait quelques légères prises de risque. Point de ça ici avec 11 titres concentrés sur à peine 35 minutes. Les paroles d'un Brian Johnson qui ne fait toujours pas ses 67 ans, font toujours rimer car avec bar, night et all right, et conjuguent le mot Rock à toutes les sauces (encore 4 titres comprenant ce mot !). Les riffs d'Angus sont toujours aussi imparables et les 2 premiers titres ('Rock Or Bust' et 'Play Ball') sollicitent les cervicales de telle façon qu'aucune minerve ne pourra y résister, le tout renforcé de refrains que l'on se surprend à scander pendant de longues heures après leur écoute.
Après tout, qu'est-ce qu'AC/DC a encore à prouver ? Pas grand-chose à vrai dire ! Les Australiens sont les créateurs d'une formule copiée par des dizaines de formations à travers le monde depuis des décennies. Leurs tournées sont sold-out avant même que les dates soient fixées, et les millions d'aficionados à travers le monde ne souhaitent surtout pas les voir changer. Alors bien sûr, 'Rock The Blues Away' reprend un peu la recette de 'Anything Goes' et 'Dogs Of War' celle de 'War Machine' ("Black Ice"), 'Baptism By Fire' recycle le riff de 'Beating Around The Bush' ("Highway To Hell"), et 'Rock The House' semble sorti des sessions de "Flick Of The Switch", et les exemples équivalents fourmillent. Mais le résultat est toujours imparable et l'on se laisse prendre par le boogie d'un 'Got Some Rock'n'Roll Thunder' mené de main de maître par la rythmique de Stevie, alors qu'un 'Hard Times' injecte son feeling bluesy et vicieux pour notre plus grand plaisir.
Bien qu'il contienne son lot de nouveaux titres à hurler en concert, il apparaît clairement que "Rock Or Bust" ne sera pas une pierre angulaire de la discographie d'AC/DC. Il n'en est pas moins un album plus qu'honorable et les Australiens, s'ils décidaient de se retirer après cet opus, pourraient le faire en gardant la tête haute. Au bout du compte, comme c'est le cas depuis plus de 40 ans, les détracteurs n'aimeront pas plus AC/DC, et les amateurs ne se lasseront toujours pas de ce Hard-Rock direct et intègre qui a traversé les décennies avec son dosage aux légères variations de boogie, de blues voire de métal selon les époques, mais à l'identité tellement reconnaissable entre toutes.