Trois mois séparent la sortie de "Styx II" de "The Serpent Is Rising" … et quelques années lumières dans le style respectif de ces deux albums dont on serait tenté de croire la chronologie inversée tant "The Serpent Is Rising" donne l'impression d'un retour à la case départ.
Car si "Styx II" faisait preuve d'une belle cohérence, celle-ci est quelque peu malmenée par les écarts stylistiques d'un groupe qui semble mal assuré de la direction à prendre. Entre hard rock pur et dur ('Witch Wolf', '22 Years', 'Jonas Psalter'), gros rock ('The Grove Of Eglantine'), hymne tribal ('Young Man'), grunge avant l'heure ('As Bad As This'), calypso (!) ('Plexiglas Toilet'), glam rock ('Winner Take All') et reprise classique ('Hallelujah Chorus'), l'éventail est large. Certes, la diversité évite l'ennui mais à trop en abuser, on risque de perdre son public.
Il est vrai que la mainmise de Dennis DeYoung sur les compositions de "Styx II" aidait probablement à obtenir une unité de ton. Sur "The Serpent Is Rising", sa prédominance est fortement ébranlée puisqu'il ne signe que trois des dix titres contre cinq pour Curulewski et deux pour Young, le dixième titre étant une reprise maladroite et un tantinet ridicule (à moins que cela ne se soit voulu blasphématoire) de l'Alleluïa d'Haendel. Cela donne à l'album une sonorité plus brute et plus apre, ressemblant plus à Deep Purple, Uriah Heep et Alice Cooper qu'à Queen et Kansas à qui Styx a souvent été comparé.
Cela ne serait pas grave si ce n'était accompagné par une baisse sensible d'inspiration. Les trois titres signés DeYoung ne resteront pas dans les mémoires, pas plus que l'apathique 'As Bad As This', le déroutant 'Plexiglas Toilet' et le swinguant '22 Years' de Curulewski. Sans parler de l'expérimental 'Krakatoa' qui ressemble à un plagiat des déclamations de Roger Waters sur 'Several Species Of Small Fury Animals …'
L'album évite la catastrophe grâce aux deux titres de Young et à celui éponyme de l'album signé Curulewski. 'Witch Wolf' et ses guitares et claviers virevoltants sont une intro dynamique et 'Young Man' une chanson intense au rythme syncopé dotée d'un beau solo de DeYoung, digne héritier de Jon Lord et Keith Emerson. Quant à 'The Serpent Is Rising', c'est le diamant sombre de l'album, un titre tortueux, inquiétant, méchant dans la veine d'un 'Desesperado' ou d'un 'Killer', permettant à Curulewski de montrer une nouvelle fois qu'il est un compositeur inventif et inspiré,
Le groupe aurait affirmé que "The Serpent Is Rising" était leur plus mauvais album, Dennis DeYoung allant jusqu'à dire que c'était l'un des pires albums de l'histoire de la musique. Commentaires disproportionnés. "The Serpent Is Rising" est plus simplement un album banal qui contient quand même deux ou trois titres valant le détour.