Après l'excellent "Styx II", "The Serpent Is Rising" faisait figure de relative déception, le groupe semblant s'être perdu en chemin derrière un Dennis DeYoung paraissant l'ombre de lui-même. Le quatrième album du groupe allait-il consacrer la déchéance du groupe ou être le catalyseur du miracle promis par son titre ?
Fidèle à leurs habitudes, DeYoung, Curulewski et Young se partagent les compositions et DeYoung, qui semble remis des doutes qui s'étaient emparés de lui devant le peu de succès médiatique rencontré par Styx jusqu'alors, y prend une part plus active que sur l'album précédent puisqu'il signe six des dix titres, dont deux avec Young. Ce dernier en compose deux autres avec Curulewski et encore deux tout seul. Une répartition de bon augure à l'équilibre bien réparti entre les trois membres et dont le travail collaboratif sur plusieurs chansons semble indiquer une bonne entente entre ceux-ci.
Pourtant les deux premiers titres sont de la même veine que ceux de "The Serpent Is Rising", deux rocks basiques, énergiques, archétypes de ce à quoi l'on s'attend dans le genre entre chant provocant, guitares véloces et batterie lourde. Agréables mais sans originalité. Et puis l'album bascule subitement, d'abord avec le pur et romantique 'Golden Lark' sur lequel DeYoung s'accompagne d'un simple piano et de sonorités de violoncelle auquel est enchaîné 'A Song For Suzanne', la transition étant assurée par un bruit de pluie et de roulements de tonnerre.
'A Song For Suzanne' est sans conteste le titre se rapprochant le plus du rock progressif de tout ce que Styx a fait jusqu'alors. Entre le recours aux bruitages (la pluie et l'orage), aux sonorités exogènes (violoncelle, cordes synthétiques), la longue introduction (deux minutes sur les cinq qu'en compte le titre), les voix étouffées et les changements de thèmes, DeYoung affirme sa capacité à créer une musique ambitieuse.
Les autres titres vont entretenir cette dualité dans un bel équilibre, 'A Man Like Me', 'Best Thing' (figurant déjà sur leur premier album) et 'Southern Woman' penchant nettement du côté rock soutenu/hard rock, 'Evil Eyes' et 'Christopher, Mr Christopher' dans un style plus emphatique et mélodico-romantique. Quant à 'Man Of Miracles', il a le mérite de concilier adroitement les deux penchants du groupe, enchainant timbales wagnériennes, chœurs à la Ennio Morricone, chant hard rock et final pompier.
Styx continue à être divisé entre rock'n'roll/hard rock de facture très classique et mélodies emphatiques plus complexes à la limite du proto-prog, les compositions de DeYoung ayant le mérite d'introduire une complexité et de donner au groupe une identité difficilement discernable derrière les titres plus standards et passe-partout de Young. Une fois que l'on s'est habitué à cette dualité, "Man Of Miracles" est un album solide malgré l'absence d'un titre ayant le potentiel d'un tube.