Pour son cinquième album, Styx semble être à un tournant de sa carrière. Les quatre albums précédents, bien que très honorables et contenant leur lot de chansons sympathiques, restent entâchés d'une certaine naïveté et de quelques maladresses. A l'exception de "Styx II", le groupe n'arrive pas à se décider s'il doit essayer de se faire une place en tant que hard rock band ou en pratiquant un rock plus sophistiqué. Il est vrai que la période marque l'âge d'or à la fois du hard et du rock progressif. D'où un certain flou stylistique qui fait parfois faire le grand écart à l'auditeur.
"Equinox", sans se poser comme une rupture radicale avec le passé, fait preuve d'une maturité permettant à Styx de produire un album homogène tout en continuant à puiser dans les différents genres qu'il affectionne. On va retrouver du rock'n'roll ('Light Up', 'Born For Adventure'), du hard/heavy ('Midnight Ride'), de la ballade romantique ('Mother Dear'), de l'hymne emphatique ('Suite Madame Blue'), du simili-classique ('Prelude 12') et des emprunts au prog et au psychédélisme ('Mother Dear', 'Born For Adventure') mais le tout adroitement ficelé pour ne jamais avoir l'impression d'écouter des groupes différents.
La domination de DeYoung sur cet album n'est certainement pas étrangère à cette sensation d'homogénéité. Mais la co-écriture avec Young et Curulewski sur plusieurs titres permet de conserver cette variété d'influences d'où naît la diversité des albums de Styx, tout à la fois sa force et sa faiblesse.
L'album commence avec deux rocks à la fois mélodiques et enlevés où claviers aériens et gros riffs de guitare se côtoient avec bonheur. 'Lorelei' termine sur une intéressante variation de chœurs fournis dont la similitude avec ce que fait ou fera Queen est troublante. Pas de copie de l'un sur l'autre cependant, plutôt deux groupes de la même génération qui ont suivi des chemins parallèles. 'Born For Adventure' complète cette trilogie, avec un petit côté Wishbone Ash en plus. 'Lonely Child' est la ballade romantique classique du style DeYoung, triste mais sans mièvrerie, et 'Midnight Ride' est la concession de l'album à un hard rock énergique. Là encore, le parallèle peut être fait avec Queen qui inclut dans ses premiers albums un titre plus heavy signé par leur batteur, Roger Taylor. 'Mother Dear' est un titre alambiqué qui démontre une fois de plus que Styx aime occasionnellement franchir quelques barrières. Enfin, 'Prelude 12' est un instrumental classisant à la douze cordes servant, comme son nom l'indique, de prélude au morceau de bravoure de l'album, 'Suite Madame Blue', qui mélange arpèges délicats, montée en puissance libératrice, pont instrumental de toute beauté et chœurs en canon dont les "America" répétés filent le frisson même à ceux qui ne sont pas nés aux USA.
Est-ce d'avoir changé de maison de disques ou tout simplement le fait d'une maturation nécessaire ? Toujours est-il qu'"Equinox" retrouve les qualités pressenties sur "Styx II" et n'est que le précurseur des albums plus ambitieux et tout aussi réussis qui vont suivre.