Décidément, le Stoner rock a le vent en poupe en France. Les récentes réussites à l'actif de Domadora ou de Walnut Grove DC, pour ne citer que deux exemples, témoignent ainsi de cette effervescence dont on ne peut que se féliciter. Power-trio parisien, Tackleberry vient apporter sa pierre à cet édifice dressé en l'honneur du dieu riff.
Jeune sur le papier, le groupe est en réalité loin d'être animé par quelques puceaux du son puisque formé par trois ex quelque chose, Soleil Vert (le guitariste et chanteur Romain) et Arafat (Guillaume, l'autre gratteux). On comprend mieux dès lors l'excellente tenue de route de cette première rondelle qui ne souffre à aucun moment d'un quelconque amateurisme, que ce soit en terme de prise de son, puissante et claire sans trop l'être, que d'artwork, dont le graphisme chaleureux tranche avec les pochettes sans âme d'aujourd'hui.
Des grincheux ne sont sentis toutefois obligés de souligner la faiblesse du chant, pas suffisamment maîtrisé à leur goût. Excusez-nous de ne pas partager cet avis, estimant au contraire que la voix de Romain, dont la tessiture n'est pas sans évoquer un James Heftield ou un Nick Holmes, certes en mode mineur, se fond à merveille dans ce socle tendu et ramassé.
Reconnaissons cependant que c'est la force instrumentale qui impressionne le plus chez Tackleberry. Que celui-ci cite Karma To Burn (entre autres) en référence n'étonne donc pas vraiment. On croise chez les deux formations cette même énergie survoltée, cette même fusion entre riffs coulés dans le plomb et substrat rythmique terreux, à l'image de 'Red Field' dont les sept minutes au compteur tutoient le grandiose, titre ravageur aux multiples aplats qui démontre un sens aiguisé de l'écriture, de la construction d'orfèvre et de la progression qui fait mouche. Au sein de toutes les compos, lourdes et dynamiques, se nichent des trésors qui les rendent passionnantes, qu'il s'agisse de 'Comatose Overlight' et ses nombreuses cassures, 'Black Lodge' et ses lignes de guitare 'post-rockiennes', 'Freedom State' et sans oublier toutes les autres qui chacunes méritent de droit de cité.
Nous avons bien essayé de chercher des faiblesses ou des maladresses dans cet album éponyme, nous n'en avons pas trouvé. Mieux, il est évident que ce galop d'essai ne fait que déflorer un potentiel plus grand encore, lequel devrait prendre toute sa (dé)mesure dans les avenirs à venir...