Depuis le début de son aventure, Styx avait réussi à conserver un line-up stable. Mais, à peine fini l'enregistrement d'Equinox et juste avant la tournée qui devait suivre sa sortie, John Curulewski décide de se consacrer à sa vie de famille. Le groupe se trouve alors dans l'obligation de le remplacer en catastrophe pour assurer ses concerts. Il recrute Tommy Shaw qui, de remplaçant pour la tournée, se transforme en membre permanent pour l'enregistrement du sixième album de Styx, "Crystal Ball".
Et Tommy Shaw s'intègre très vite au groupe. Non seulement il joue (bien) de la guitare, il chante (plus) que Curulewski, mais il compose également, le titre de l'album étant d'ailleurs éponyme à l'une des chansons qu'il signe. Une chanson qu'on ne présente plus, l'un des titres phares du groupe, multi-radiodiffusée, le tube FM parfait, imparable, immédiatement mémorisable et faisant pourtant preuve d'une finesse qui ne peut que toucher les mélomanes.
Si 'Crystal Ball' mérite sa place de hit FM, il est loin d'être le seul titre attrayant de ce bien bel album qui ne comporte aucun moment faible. 'Put Me On' débute l'album en fanfare avec un rock enlevé qui se transforme en ballade romantique. Avec 'Mademoiselle', introduite en français par un "Je t'aime Mademoiselle oooh la la", Styx n'aura jamais été si proche de Queen. 'Jennifer' plus anecdotique avec son côté popisant bénéficie quand même d'un beau travail choral. 'Shooz' est un hard rock teinté de blues dans le style habituel de Young et auquel collabore Shaw qui montre ses belles capacités à s'associer aussi bien aux mélodies sophistiquées de DeYoung qu'au rock âpre de Young. 'This Old Man' enchaine les thèmes sombres qui contrastent avec l'optimisme de 'Mademoiselle' ou la vigueur bon enfant de 'Shooz'. DeYoung a vraiment le don à cette époque pour composer des mélodies qui prennent aux tripes. Enfin derrière un court emprunt à Debussy ('Clair de Lune'), 'Ballerina' adopte la technique de crescendo aboutissant sur des chœurs entraînants que 'Suite Madame Blue' qui clôturait le précédent album utilisait déjà. Moins convaincant que 'Suite Madame Blue', les chœurs censés emphatiques étant finalement un peu pauvres et répétitifs, le titre est cependant agréable et finit sur d'excellents solos de Shaw et Young à la guitare.
Styx peaufine les belles qualités qui le caractérisent depuis l'origine mais qu'il exploite véritablement depuis "Equinox" seulement. Si les compositions de Young se sont nettement améliorées, celles de DeYoung ont atteint le summum de leur finesse et de leur richesse. Quant à Shaw, il possède peut-être ce don inné pour les mélodies grand public qui faisait jusqu'alors défaut au groupe.
Néanmoins, "Crystal Ball" ne sera pas un grand succès à sa sortie, faisant même de moins bonnes ventes que son prédécesseur. Il fera cependant l'objet d'une reconnaissance tardive, Styx devant attendre son prochain album, "The Grand Illusion", pour enfin atteindre une renommée internationale.