''Triskaidekaphobie'' (la peur du chiffre 13) est le premier album du groupe Present, nom de groupe peu inspiré en comparaison des autres Henry Cow, Etron Fou Leloublan ou Aksak Maboul. Roger Trigaux, déçu par l'orientation acoustique prise par Univers Zéro, quitte le navire pour devenir l'unique capitaine de ce nouveau projet. Comme il n'en est pas à un premier paradoxe près, il invite à son bord deux de ses anciens camarades, le leader et percussionniste Daniel Denis (qui a aussi joué avec Art Zoyd) et le bassiste Christian Genet (qui a aussi joué avec Aksak Maboul et Les Tueurs de la lune de miel), et un quatrième larron, le claviériste Alain Rochette, qui fera également une apparition sur les deux albums suivants.
''Triskaidekaphobie'' est composé de trois morceaux, dont les deux premiers culminent respectivement à plus de 19 et 15 minutes. 'Promenade au fond d'un canal' invite l'auditeur à faire un voyage abyssal, tout d'abord guidé par les nappes veloutées de piano, malgré l'énervement des percussions. Nous pensons être enfermés dans un espace sonore minimaliste avec une forte tendance hypnotisante lorsque le gant se retourne : le quatuor prend l'auditeur au piège en déclinant une atmosphère plutôt malsaine qui illustre la caractère poisseux du titre. Le rock in Opposition trouve là son parangon avec une basse qui mime des bruits de pas se rapprochant. une guitare quasi oldfieldienne qui polarise une course poursuite jusqu'à l´irruption d´un break encore plus noir avec la section rythmique qui se place du côté de ''Musica ricercata'' de György Ligeti. Cette promenade sera sans retour et son achèvement n'aura qu'une alternative : la folie ou la mort, symbolisées par un solo à la guitare électronique atomique et cathartique de Roger Trigaux, tandis que les trois autres compères reprennent le thème initial.
La piste suivante 'Quatre-vingt douze' débute de la même façon tout en diluant ses ambiances, conjuguant passages contemplatifs à d'autres plus énergiques, grâce à ses deux pianos effilés délivrant des notes froides, sa basse Zeuhl associée à une batterie souvent proche de l'éruption. Son crescendo final est la conclusion logique de toute la violence retenue pendant tout le morceau. Le dernier titre, le bien nommé 'Répulsion' synthétise de façon encore plus minimaliste les ambiances déclinées sur les premiers morceaux.
Premier coup d'essai et réussite incontournable pour Present qui diffère de son modèle fusionnel Univers Zero en adoptant les bienfaits de la fée électrique et qui se pose déjà comme un grand représentant belge du Rock in Opposition.