Cinéphiles, amateurs de Jean Renoir, passez votre chemin. Il ne sera aucunement fait mention dans cet album de soldats français prisonniers dans un château alsacien par le méchant Erich Von Stroheim. Derrière le nom de La Yne se cache Matti Laine, un artiste finlandais qui propose une synthèse de la world music sans tenir compte de critères de race, de religion, de couleur de peau, de culture... Connaître l'histoire de la tour de Babel (en évidence sur la pochette), peut-il nous empêcher de croire en la réussite de ce projet ?
D'emblée, Matti Layne décrit la musique non comme un but utilitaire (une destination), mais comme une traversée d'espaces sonores. Ce premier album nous convie à poser nos oreilles sur le sol de chacun des continents de notre terre. Pour donner à son projet un sceau d'authenticité, le chef d'orchestre Matti Laine s'est entouré d'un collectif finlandais pratiquant les violons, vibraphones, trompettes, djidjeridoos... et de divers invités de toutes origines pour assurer les parties vocales.
Les musiques du monde ont été modernisées par une touche électro et Matti Laine nous convie non à un voyage traditionnel mais à une découverte contemporaine de notre monde. Il serait fastidieux de citer toutes les cultures représentées sur cet album, chaque morceau s'avérant un laboratoire sonore dans lequel Matti Layne syncrétise toutes les influences avec des créations heureuses, comme 'Décembre 23' qui mêle chant raï et rythmiques reggae au son des violons et des trompettes. Ce dernier instrument est d'ailleurs très représenté ce qui rapproche parfois la musique de LA YNE des hongrois d'After Crying. 'La porte de l'Enfer' joue la carte atmosphérique et enferme l'auditeur dans une progression dramatique étouffante (tout comme le morceau de transition 'Requiem' et son didjeridoo) magnifiée par ses cordes. Quant à 'Meiko', il débute comme un gospel pour s'orienter vers du funk grâce à sa basse affutée.
Cependant, l'album pèche par trop d'enthousiasme. Le lien unissant toutes les chansons est cousu de fil blanc et la durée de l'album plutôt réduite (moins de quarante minutes), empêche de longs développements. Les parties vocales sont en outre assez limitées n'offrant que trop souvent des voix monocordes (la voix arabe sur 'Par avion), déclamant des banalités dont la portée du message pèche par une naïveté extrême (sur 'Décembre 23' et ce sample de voix française se retrouvera avec le même malheur sur d'autres titres), du chant braillard ('Unexpected') ou encore des lignes répétitives ('5.15').
La Grande Illusion apparait comme un projet un peu trop ambitieux pour un seul homme. Néanmoins, pour ce premier coup d'essai, La Yne s'avère prometteur par sa façon de mêler musique tribale, électronique à des vélléités symphoniques. S'il est impossible voire mégalomaniaque de vouloir offrir en moins de 40 minutes un voyage autour du monde, ne jetons pas la pierre à celui qui a essayé de nous rendre ce dernier plus accessible.