Existerait-il une malédiction planant sur les groupes de rock australiens? D'INXS à Rose Tattoo en passant par AC/DC ou The Angels, chaque groupe de l'île continent proposant une musique un tant soit peu musclée semble devoir traverser au moins un drame emportant un de ses membres dans des conditions tragiques. En 2013, ce sont les prometteurs fournisseurs d'AOR de White Widdow qui ont été rattrapés par cette ombre maléfique. Alors que le bassiste Trent Wilson avait décidé de se retirer de l'industrie musicale, la section rythmique du quintet fût tragiquement décimée par le suicide du batteur George Kristy. Mais face aux coups du sort, les rockeurs australiens ont pour habitude de ne pas se laisser abattre et de toujours relever la tête. White Widdow ne fait pas exception à la règle, revenant à la charge avec un nouvel opus et un line-up intégrant le bassiste Ben Webster et le batteur Noel Tenny.
Sur le fond, la recette des deux premiers albums n'est pas particulièrement remise en question. Le quintet officie toujours dans un AOR / Hard mélodique aux racines bien accrochées dans les 80's, multipliant les titres aux mélodies et aux refrains accrocheurs, portés par la voix de Jules Millis, aux tonalités proches de Ted Poley (Danger Danger) ou Robert Ernlund (Treat), les claviers délicieusement cheap de son frère Xavier, et les interventions lumineuses du complice guitariste Enzo Almanzi. Le mix final, à nouveau confié à Pelle Saether (Grand Design), apporte une touche scandinave à l'ensemble, permettant à White Widdow de rappeler plusieurs combos sans jamais perdre une identité qui s'affirme désormais plus fortement.
Car si les paroles ne s'éloignent pas des thèmes récurrents du style (cœurs brisés et réflexions superficielles sur la liberté…), la musique s'est clairement musclée, ne laissant quasiment plus de place aux titres calmes. Seul le mid-tempo 'Carry The Heartache', aux intonations à la Danger Danger, voit le rythme s'apaiser réellement. Le reste de l'album est dédié à un dynamisme de bon aloi dévoilé dès le morceau d'ouverture ('Caught In The Crossfire') au riff cinglant et au joli solo, et s'épanouissant à de nombreuses reprises (le catchy 'Below The Belt' ou le rapide et accrocheur 'Dreams Don't Die'). La formule peut paraître surannée mais chaque refrain s'insère au plus profond de vos neurones, renforcé par l'utilisation impeccable de chœurs en harmonies. La tracklist ne laisse place à aucun temps mort, rappelant régulièrement quelques références du genre, que cela soit Danger Danger, mais également Bon Jovi ('Born To Be A Rebel') ou Fate ('Never Again'), sans jamais tomber dans le plagiat.
"Crossfire" semble donc être l'album de la confirmation des espoirs qui avaient pu être placés en White Widdow à l'occasion de ses deux premiers albums. Sans trahir une formule définitivement ancrée dans l'âge d'or de l'AOR tout en flirtant avec l'école scandinave, le quintet australien assoit une identité propre qui lui manquait jusque-là. Si "Crossfire" ne révolutionnera pas le genre, il en constituera néanmoins un album référence, trophée d'un groupe qui devrait se voir récompensé de son enthousiasme et de sa persévérance.