1984. A l'issue de la tournée qui suit la parution de "Kilroy Was Here", le torchon brûle. Le groupe se sépare pour incompatibilité musicale et Dennis DeYoung, Tommy Shaw et James Young entament chacun de leur côté une carrière solo plus ou moins erratique. Les années passent, les esprits se calment et, envie de renouer avec une gloire enfuie ou espoir plus pragmatique de faire rentrer plus d'argent dans les caisses, le groupe se reforme en 1990.
Seul Tommy Shaw, alors impliqué au sein de Damn Yankees avec Ted Nugent, ne rejoint pas Styx. Lui qui avait remplacé poste pour poste John Curulewski en 1976 voit à son tour sa place confiée à Glen Burtnik, auteur-compositeur, chanteur et guitariste comme ses deux prédécesseurs. De même que le premier album auquel participe Tommy Shaw porte le titre de l'une de ses chansons, 'Crystal Ball', "Edge Of The Century" est le titre éponyme d'une composition de Burtnik.
La comparaison s'arrête là. Car autant Tommy Shaw se révéla un compositeur de mélodies charismatiques et finement ciselées, autant Glen Burtnik propose un hard rock des plus conventionnels, pas désagréable mais bien fade et sans personnalité. Couplet-refrain-couplet-refrain-pont-couplet-refrain, pas de changement de rythme, des chœurs stéréotypés bien loin de la signature vocale du groupe, des guitares prédominantes reléguant les claviers à l'arrière-plan, difficile de reconnaître Styx au point qu'on se demande si ses membres ne se contentent pas de servir de musiciens de studio à Burtnik.
Pour comble de malheur, les chansons composées par Dennis DeYoung ne sont qu'un pâle reflet de ses succès d'antan. 'Show Me the Way' (à ne pas confondre avec le tube éponyme de Peter Frampton) est une ballade romantique dans la veine de 'The Best Of Times' ou 'Don't Let It End' mais reste une chanson "banale" que rien ne distingue de millions d'autres, un titre aseptisé, calibré pour faire un tube FM, proche de certains titres passe-partout du même acabit de Queen, d'Asia ou de Foreigner. 'Love at First Sight' sombre dans une mièvrerie que DeYoung avait réussi à éviter jusqu'alors et 'Carrie Ann' reste trop simple, dépourvue d'arrangements complexes, de contre-chants ou de chœurs pour venir enrichir une mélodie certes belle, mais qui ne se suffit pas à elle seule.
Il faut attendre le dernier titre, 'Back to Chicago', pour enfin retrouver Styx. Le chant démonstratif de DeYoung édulcore une mélodie très glam rock voire proche de la comédie musicale, dans un style caractéristique qui a valu à Styx la réputation injustifiée de donner dans une musique prétentieuse et pompière qui les a suivis durant leur carrière. Et pourtant, quand on aime Styx, c'est à ça que l'on s'attend, même si ce titre est loin d'être le meilleur de leur parcours.
Si l'album pourra plaire à des amateurs de hard rock basique (sans connotation péjorative) qui y trouveront un ersatz de Kiss, il ne pourra que décevoir et dérouter les fans du groupe. Que ce soit parce que les musiciens étaient peu convaincus eux-mêmes ou insuffisamment convaincants aux yeux de leur maison de production, toujours est-il que Styx se sépare de nouveau à l'issue de la tournée qui suit l'album. L'histoire se répète.