Même s'il n'a craché son premier rot, "Nattestid Ser Porten Vid, qu'en 1999, longtemps après les églises brûlées et autres meurtres ayant forgé la sulfureuse légende du Black Metal norvégien, Taake est pourtant présent quasiment depuis le début, d'abord sous le nom de Thule entre 1993 et 1995 avant d'adopter celui sous lequel il bâtira sa carrière, une carrière longue de plus de vingt ans, menée par sa figure de proue, Hoest, musicien solitaire, comme bien d'autres.
Si vétéran ne rime ici pas toujours avec talent, tel est pourtant le cas de cette entité culte qui n'a jamais vraiment déçu, prenant, il est vrai, son temps, entre chaque nouvelle offrande, au nombre de six seulement. C'est peu mais on pardonnera au bonhomme sa paresse car à lui seul ou presque il maintient encore en vie tout un héritage.
Pour autant, son black metal n'est pas figé dans le permafrost, plus élaboré qu'il n'y parait. "Stridens Hus" le démontre parfaitement avec son menu parsemé de détails étonnants, de touches mélodiques qui ont en réalité toujours constitué un élément essentiel de son identité sonore ; ici des choeurs majestueux ('Orm'), là des guitares belles et dissonantes à la fois, comme sur l'accrocheur 'Gamle Norig' ou plus sournoises sur 'Kongsgaard bestaar'.
A la froide brutalité de certains de ses collègues, le Norvégien préfère encore une fois miser sur les ambiances sinistres, sur les mid-tempos grésillants, à l'image de 'Det Fins En Prins' lequel, du haut de ses huit minutes, se taille la part du lion, sommet sinueux d'un programme dont l'intensité ne faiblit jamais. Et l'intérêt non plus. Il suffit d'écouter un titre tel que 'En Sang Til Sand Om Ildebrann', quasi instrumental que perforent de nombreuses fractures, pour mesurer la richesse vicieuse et insoupçonnée d'un album aux allures de corridor labyrinthique.
De fait, loin du simple Black Metal old school dont il épouse certains traits (son granuleux, guitares polluées...), "Stridens Hus" est un opus plein de finesse, oeuvre d'un musicien qui continue de façonner son art, un art certes glacial et lugubre mais plus riche que bestial, expliquant en cela la fois la place singulière qu'occupe Taake au sein de cette chapelle mais aussi sa longévité...