''The Symphony of the Wandering Jew'' du nouveau venu Foreign s apparente a un opéra rock prenant pour protagoniste Ahasverus. Pour ceux qui étaient a la piscine le jour de la crucifixion du Messie, il faut rappeler qu' Ahasverus est l'un des noms du juif errant, popularisé par une légende allemande du XVIème siècle, Eugène Sue et plus récemment par Jean d'Ormesson.
Aux commandes de ce projet pharaonique, se trouve Ivan Jacquin, pianiste et chanteur bisontin, tombé amoureux de cette histoire et qui après quinze années de recherches et d'efforts a enfin décidé de nous livrer la première mouture de son dessein discographique. Afin de donner du poids à celui-ci, il s'est entouré d'une équipe surdimensionnée, chacun avec une panoplie d'instruments idoines (accordéon, hautbois, doudouk, dulcimer). Les invités sont plutôt discrets et si Ivan Jacquin a choisi d'éviter de confier les rênes à une star du showbiz, les connaisseurs y retrouveront Olivier Goyet (Esoteric), ou encore Thierry Marquez, le chanteur de Broken Edge.
Tous les genres et toutes les musiques du monde ou presque ont le droit de cité chez Foreign. La première piste ''Ahasvérus'' nous invite au voyage grâce à une rythmique orientale sur laquelle se greffe un thème quasi électro, plus tard glorifié par un sitar ! On aura compris qu'Ivan Jacquin pratique le syncrétisme musical ou la fusion des genres à haute dose. 'Cursed' explore les contrées celtiques avec son violon rayonnant et ses voix tantôt résignées tantôt rageuses (proches du growl), tandis qu' 'Eternal enemies' se base sur des rythmes chaloupés faisant la part belle aux synthétiseurs, aux choeurs célestes et à sa guitare métal. On se plaira à admirer les courts intermèdes symphoniques qui auraient presque mérité un traitement plus long. Plus difficile d'accès, 'The worst pain ever felt' est animé d'un souffle symphonique avant d'être aspiré dans un tourbillon métal où les rythmiques et les voix s'en donnent à coeur joie.
'Xuanjan', véritable moment d'apaisement spirituel aux sonorités chinoises, s'annonçait comme un chef d'oeuvre mais malheureusement ce dernier est écorné par les voix aux accents un peu fades. La partition sonore est peut-être le point négatif de ce premier album. 'Xuanjan' avec son duo de voix ressemble à un poncif du genre et évite de peu une chute dans la comédie musicale grâce l'instrumentation. La volonté de conter l'histoire de ce personnage hors du commun se heurte à la barrière de la langue et au texte parfois envahissant (au début de 'The Quest' mais rapidement oublié grâce à la performance de la chanteuse). Chaque chanteur interprète un personnage, chaque ligne de dialogue est certes bien écrite, mais la profusion de texte alourdit l'écoute. Heureusement, l'album se termine avec un nouveau chef d'oeuvre en forme de clin d'oeil à la suite des aventures de notre juif errant, 'Medeivel', avec son esthétique majestueuse soufflée par des choeurs d'ange.
Malgré la ressemblance évidente avec les projets d' Arjen Lucassen, le concept d'Ivan Jacquin fonctionne bien notamment grace à la richesse d'une symphonie éclatée en plusieurs morceaux, retrouvant l'essence première du rock progressif : inviter son auditeur à un voyage. Pourra-t'on espérer pour l'album suivant la rencontre entre ces deux passe-histoires que sont (et non pas furent) Ahasvérus et le comte de Saint-Germain ?